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Affaire Altrad : Laporte se défend mais les doutes subsistent

Accusé d'avoir fait pression sur la commission d'appel fédérale pour réduire des peines à l'encontre du club de Montpellier, Bernard Laporte, président de la Fédération française de rugby, a reconnu être intervenu auprès d'elle, mais dans le «respect de [son] indépendance».
Le président de la FFR Bernard Laporte en conférence de presse à Dubai, le 6 mai 2017 (Photo GIUSEPPE CACACE. AFP)
publié le 30 août 2017 à 17h24
(mis à jour le 30 août 2017 à 20h47)

Quinze jours après les révélations du JDD sur une supposée intervention de Bernard Laporte auprès de la commission d'appel de la Fédération Française de Rugby (FFR) pour réduire les sanctions à l'encontre du club de Montpellier, le président de la fédération française de rugby a répondu aux accusations en deux temps : par un communiqué de la fédération lundi et en accordant une interview au journal Le Parisien. Sans pour autant écarter tous les doutes puisque mercredi, le ministère des sports a décidé d'ouvrir une enquête interne.

Pourquoi cette intervention ? Mohed Altrad, président du club héraultais et directeur d’Altrad Investment Authority avait signé un contrat d’image avec Laporte pour la prestation de quatre conférences sur le management moyennant 150 000 euros.

L’ancien sélectionneur de l’équipe de France (de 1999 à 2007) aurait influencé la commission d’appel de la FFR réunie le 29 juin. Elle devait alors se prononcer sur des décisions de la commission de discipline de la Ligue Nationale de Rugby (LNR) concernant le Montpellier Hérault rugby (MHR) : les sanctions liées aux banderoles hostiles à la LNR déployées à l’Altrad Stadium lors du match contre le Racing 92 en avril, et les suspensions de ses joueurs Jacques et Jannie du Plessis. Laporte serait intervenu pour réduire ces sanctions.

Le communiqué publié sur le site officiel de la FFR a cherché à mettre fin aux soupçons qui pèsent sur son président :«M. Bernard Laporte a renoncé au contrat d'image le liant à Altrad Investment Authority. La prestation ne sera pas réalisée. Le contractant BL Communication n'en tirera aucun avantage pécuniaire».

Altrad, mécène de l’équipe de France

Pourtant, depuis ces révélations, Philippe Peyramaure, représentant de la Ligue à la commission d'appel de la FFR a démissionné. Le JDD a révélé une partie du courrier adressé le 24 août par l'avocat parisien à Jean-Daniel Simonet, président de la commission : «J'ai été avisé que le président de la Fédération était intervenu pour demander que nous modifions notre décision dans un sens beaucoup plus favorable à Montpellier.» Une intervention qui aurait eu lieu le 30 juin, au lendemain de la confirmation des sanctions par la commission d'appel : suspension des joueurs, amende de 70 000 euros pour des débordements au stade, terrain suspendu pour l'ouverture du Top 14.

Autant de décisions finalement réduites : la durée de la suspension de Jacques et Jannie du Plessis a été diminuée, l'interdiction de jouer à l'Altrad Stadium a été levée et l'amende ramenée à 20 000 euros. De plus, le verdict aurait été rendu avec un jour de retard, la commission statuant normalement sur chaque sanction en une seule journée. A l'époque, le coup de téléphone de Laporte aurait surtout été une demande pour ne pas «perturber la candidature au Mondial 2023». Le groupe français Altrad, spécialisée dans la production et la distribution de matériels pour le bâtiment, est en effet devenu un soutien à la candidature tricolore. Le logo de la société dirigée par le président de Montpellier est venu depuis février s'incruster sur le maillot du XV de France, avec déjà une certaine subtilité puisqu'il n'est officiellement pas un sponsor maillot classique.

Sur fond de guerre entre la fédération et la ligue

«Que ce soit au foot, au tennis ou au rugby, il n'y a qu'un grand patron dans le sport, c'est le président de sa Fédération» : à peine élu en décembre 2016, Laporte avait mis les choses au clair. Pas la peine d'essayer de lui contester le pouvoir, même quand on s'appelle Paul Goze et que l'on est président de la Ligue Nationale de Rugby.

Depuis, les deux hommes se sont envoyés quelques mots d'amour. Au moment de chercher d'où viennent ces fuites, Bernard Laporte ne cherche pas très loin. C'est ce qu'il avance au Parisien dans son édition du mercredi 30 août : «J'ambitionne de reformer le rugby français au profit du rugby amateur et de l'équipe de France, ce qui dérange.» Et de poursuivre sur la démission de Philippe Peyramaure : «Dans la réunion de la commission en question, trois personnes sont présentes ce jour-là, une seule a démissionné. Celle qui est le représentant de la Ligue» avant de finalement s'interroger sur cette décision aussi tardive.

Démissions en série

L'ancien secrétaire d'Etat chargé des Sports a mis du temps à répondre. Mais pour lui, sa défense n'en est que plus solide. Laporte s'explique : s'il parle seulement maintenant, c'est parce que jusqu'à samedi il était à l'étranger afin de défendre la candidature au Mondial 2023. Nier ? Certainement pas. Laporte a parlé à Simonet mais pour donner «un éclairage politique après une crise grave avec le rugby professionnel […] pour qu'il puisse en tenir compte dans sa décision, dans le respect de l'indépendance de la commission d'appel» et de rappeler, qu'il n'a jamais cherché à placer «ses hommes».

La ministre des Sports, Laura Flessel, va maintenant devoir dire si le président de la Fédération a respecté l’éthique du sport. Ce mercredi, Patrice Michel, procureur de la République de Toulouse, est devenu le cinquième membre à démissionner de la commission d’appel de la FFR. Avant lui, Philippe Peyramaure, Benjamin Peyrelevade, Julien Bérenger et Vincent Chaumet-Riffaud avaient quitté, selon la presse, la commission, qui ne compte donc plus que huit de ses treize membres.