Quelle est la proportion réelle de sportifs dopés ? Et à quel point cette réalité est-elle éloignée de celle dessinée par les résultats des contrôles antidopage ? Une étude réalisée en collaboration par l’université allemande de Tübingen et l’école de médecine de Harvard aux Etats-Unis – commandée par l’Agence mondiale antidopage (AMA) –, apporte des éléments de réponse. Elle révèle que 30 % des participants aux Mondiaux d’athlétisme de Daegu (Corée du Sud) en 2011 ont admis, sous anonymat, avoir utilisé des produits dopants dans les douze mois précédant la compétition. La publication du rapport a été bloquée par la Fédération mondiale d’athlétisme (IAAF), ce qui explique sa parution tardive.
Pêcher la baleine
Par ailleurs, un sondage similaire a été effectué aux Jeux panarabes la même année à Doha (Qatar) : 45 % des athlètes y reconnaissaient avoir utilisé volontairement des produits dopants l’année précédente. La marge d’erreur est estimée à 10 %. Le pourcentage de «dopés officiels» (contrôlés positifs pendant les compétitions) avait été de 0,5 % à Daegu et 3,6 % au Qatar ; autant dire que la traque aux tricheurs se révélait aussi efficace qu’une tentative de pêcher la baleine à l’épuisette.
En tout, 2 168 sportifs, soit 90 % des athlètes à qui le sondage a été proposé lors des deux compétitions, ont accepté de répondre au test. «Je ne sais pas vraiment où, dans le système, le retard [de la publication] s'est produit. Ce qui s'est réellement passé dans les coulisses était assez sombre», a expliqué au New York Times Harrison Pope, professeur de l'école de médecine de Harvard. Le rapport a finalement été publié dans le magazine Sports Medicine.
Déjà en 2013, une partie des chiffres avait fuité aux Etats-Unis sans que l'IAAF n'autorise la publication complète du rapport. En 2015, le Sunday Times avait ressorti le dossier. L'AMA confirmait avoir financé l'étude mais avait donné à la Fédération la possibilité de s'opposer à la publication en échange de l'accès aux athlètes. L'IAAF avait pour sa part nié s'être opposée à la publication de l'étude mais rappelait en revanche avoir toujours eu de «sérieuses réserves sur l'interprétation des résultats».