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Libération

publié le 12 septembre 2017 à 19h56

Jean-Marc Pontvianne 23 ans, athlète professionnel à Nîmes (Occitanie) «En dépit de mon statut, je reste un sportif précaire»

«Cela fait cinq ans que je pratique le triple saut mais en intégrant le top mondial - une finale aux Mondiaux d'athlétisme cet été - je viens de passer le cap : je toucherai un salaire fixe pour la première fois de ma carrière à partir de janvier, soit un peu plus d'un smic par mois, versé par la Ligue professionnelle d'athlétisme [une émanation de la fédération, ndlr].Je peux désormais aborder certaines dépenses avec plus de sérénité. Exemple : les frais de déplacement de mon entraîneur sur les compétitions. Je paie une grande partie de ma poche, la Fédération française d'athlétisme (FFA) prend le reste en charge. Mon nouveau statut de "sportif professionnel" me dispense de nombreux autres sacrifices financiers, dont les soins médicaux.

«Du point de vue du matériel, une entreprise privée me fournit désormais en chaussures et autres équipements. Là aussi un coût non négligeable, qu’il a fallu gérer ces dernières années. Tout s’arrange désormais, mais je ne suis pas naïf. Il suffit d’une saison galère, d’une blessure grave, d’un mauvais résultat pour que tout redevienne comme avant. En dépit de mon statut, je reste un sportif précaire. Néanmoins, c’est le jeu.»

Aurélien Massaux, président du Rouffiac Aviron Club (Nouvelle-Aquitaine) «700 euros d’aides pour un budget de 10 000 euros»

«Nous sommes une toute petite structure, sans locaux à proprement parler, ni bâtiment pour stocker nos bateaux. On a construit notre propre ponton et notre portique à bateaux, que l’on passe nos week-ends à réparer. Au niveau des aides, si je compte celles des collectivités, on atteint environ 700 euros pour un budget de 10 000-15 000 euros. A ce jour, on a monté plusieurs dossiers : pas de retour.

«Au niveau des licenciés, cette année, on était 35. On sera environ 25 la saison à venir. On l’explique justement par le manque de structures. On n’a toujours pas de sanitaires. En plus, il faut composer avec un lac qui a été vidangé les deux dernières années pour des problèmes de bactéries. Régulièrement, on perd cinq ou six jeunes qui partent faire leurs études dans des grandes villes. Pour trouver des licenciés, ça fonctionne beaucoup au bouche-à-oreille. On a aussi un ou deux enfants qui nous ont rejoints sur conseil du médecin, car c’est un sport bon pour le dos. Chaque adhérent doit faire au minimum un aller-retour de 25-30 kilomètres pour accéder au lac puisqu’il y a déjà une quinzaine de kilomètres jusqu’à Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne), où l’on réside.»

Julien Hernandez, cofondateur du club de foot l’internationale soissonnaise (Hauts-de-France) «le patron du sponsor était le voisin de mon grand-père»

«Notre budget - 80 000 euros - s’établit grâce aux licences, aux subventions et aux sponsors privés. Pour ces derniers, il faut travailler, démarcher, être patient. Le sponsor principal du maillot est une entreprise de sécurité qui nous donne 4 000 euros par saison : le patron était le voisin de mon grand-père. Ça fait trois saisons qu’on collabore. En fait, tout se fait en optimisant notre petit réseau, en jouant avec les contraintes et en présentant au mieux le projet - le nôtre est à cheval entre le sport, les ateliers de soutien scolaire et les sorties culturelles pour des gamins de 5 à 13 ans. Quand la Fédération française de football (FFF) et Volkswagen (en 2013) ont conclu un partenariat, la «fédé» a contacté les clubs. Elle leur a expliqué que si l’on achetait un véhicule Volkswagen d’une gamme bien précise - entre 25 000 et 30 000 euros - ils en paieraient la moitié. Notre club a été créé en 2009 : impossible de mettre une telle somme. On a finalement acheté un véhiculeà 4 000 euros. En fait, j’ai rarement croisé des clubs avec des véhicules estampillés FFF.»

Emmanuel Alcon, président d’un club de boxe  à Vierzon (Centre-Val de Loire) «Sans ma famille et celle du trésorier, point de bureau»

«La boxe est un monde minuscule. Mon club est familial. A dire vrai, si vous enlevez ma famille et celle du trésorier, il n'y a plus de bureau. Il y a deux ans, on s'est mis en sommeil, faute d'entraîneur. Le coach, c'était mon père. Mais il a demandé à ce que l'on trouve quelqu'un pour la relève. On a passé des annonces sur le site de la fédération, tenté des entraîneurs en région parisienne… Ils étaient diplômés mais demandaient un salaire annuel trop conséquent (l'un voulait 2 200 euros mensuels). On était en décalage : tous nos membres sont bénévoles. Il a fallu qu'un ancien boxeur amateur vienne rendre visite à mon père pour le remotiver. Ce dernier lui a proposé de l'accompagner pour devenir pro. Une sorte de cercle vertueux s'est mis en route, avec l'effet Jeux olympiques [six médailles pour l'équipe de France de boxe à Rio, ndlr]. Au niveau logistique, on s'entraîne dans une salle municipale mise gratuitement à notre disposition. Pour le reste, c'est une vraie salle de boxe à l'ancienne : un vieux parquet qui sent la sueur, des vestiaires vétustes. La réalité.»

Estelle Huet, salariée d’un club de hand Normand  «Ma semaine : interventions scolaires, administratif et entraînement des équipes»

«A Courseulles-sur-Mer, nous sommes ce qu’on appelle communément un "club familial". Une petite structure évoluant au niveau régional avec peu de subventions des collectivités. Je suis la seule salariée. La semaine j’interviens en milieu scolaire, je m’occupe de l’administratif et j’entraîne quasiment tous les soirs une des équipes du club. J’enchaîne avec les week-ends de compétition.

«Mon samedi type : je pars à 14 heures avec une équipe de jeunes sur une compétition, je reviens à 16 h 30 à Courseulles pour superviser un arbitre, je repars coacher une équipe à 18 heures et puis je retourne au gymnase pour jouer à mon tour sur le terrain à 21 heures : je suis gardienne de but. C’est éprouvant, mais comparé à d’autres, c’est mon travail. Des joueuses, des joueurs et des parents de jeunes licenciés prennent en charge un collectif sans être payés. D’autres passent des après-midi à gérer la buvette ou à enregistrer les scores. On les défraye uniquement pour les déplacements. Si le club tient encore debout, c’est grâce au dévouement.»