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Libération
Vroum vroum

L'ex-cycliste Jean-Christophe Péraud chargé de débusquer les moteurs: un symbole d'honnêteté

Retraité des pelotons, le 2e du Tour de France 2014 rejoint l’Union cycliste internationale pour lutter contre la fraude technologique. Une reconversion logique pour un coureur considéré comme propre pendant sa carrière.
Jean-Christophe Péraud sur le Tour de France 2014. (AFP)
publié le 10 novembre 2017 à 19h32

La lutte contre les moteurs dans le cyclisme pouvait déjà compter sur Christophe Bassons, ancien coureur de Festina rebaptisé «Monsieur Propre» par le Parisien après l'affaire Festina en 1998. C'est cet ancien coureur professionnel qui, au titre de conseiller interrégional antidopage en Nouvelle Aquitaine, avait mis la main le 1er octobre sur un coureur amateur soupçonné d'utiliser un moteur dans son pédalier lors d'une épreuve en Dordogne – le premier cas de triche technologique présumée en France. Depuis ce vendredi, un autre ex-professionnel a pour mission de traquer les moteurs : Jean-Christophe Péraud, 2e du Tour de France en 2014, 40 ans, qui rejoint l'Union cycliste internationale (UCI) comme «manager de l'équipement et de la lutte contre la fraude technologique».

Cette nomination intervient un mois et demi après l'élection du Français David Lappartient à la présidence de l'UCI, qui a fait du combat contre les moteurs un argument fort pendant sa campagne. Péraud remplace le Britannique Mark Barfield; recruté par l'ancien président Brian Cookson, il était régulièrement soupçonné de laxisme dans la chasse au dopage technologique, voire de proximité avec des équipementiers ou des équipes, comme l'avaient épinglé en 2016 divers reportages de Stade 2, sur France 2.

Poètes

Si l’arrivée de Péraud à l’UCI ne signe pas encore la fin d’un mode de triche dont on ignore encore l’ampleur et la période à laquelle elle a été appliquée (le pédalage à très haute fréquence de Lance Armstrong entre 1999 et 2008 pourrait-il s’expliquer par l’usage d’un moteur en plus du dopage biologique avéré pour le cycliste américain ?), le milieu du vélo et la fédération qui le régule devraient regagner de la crédibilité sur ce terrain. Retraité depuis un an de l’équipe AG2R la Mondiale, le nouveau chasseur de moteur de l’UCI jouit d’une réputation propre au sein du peloton en dépit de résultats de très haut niveau.

Jean-Christophe Péraud était passé professionnel dans le cyclisme sur route à 32 ans, sur le tard, après une carrière en VTT qui l'avait conduit à une médaille d'argent aux Jeux olympiques 2008. Très à l'aise dans les contre-la-montre, résistant dans la montagne, il s'était hissé à la 2e de la Grande Boucle 2014 derrière l'Italien Vincenzo Nibali et devant son compatriote Thibaut Pinot. Sans jamais tenter de développer sa popularité, ni même sa notoriété, Péraud avait pris sa retraite cycliste fin 2016 dans un relatif anonymat - «Je n'ai peut-être pas le charisme ou la gueule pour faire les unes», déclarait-il à Libération, qui l'avait rencontré à son domicile près de Lyon, en 2014. Au printemps 2017, le Toulousain de naissance avait décliné un poste de sélectionneur adjoint de l'équipe de France au côté de Cyrille Guimard.

Chaudières

Ingénieur de formation (et employé à temps partiel chez Areva jusqu'en 2010), fils de parents étrangers au sport professionnel et affectueusement décrits comme «des poètes» par ceux qui les ont fréquentés, Péraud s'est toujours distingué par son tempérament solitaire, sa sensibilité écolo et son attachement revendiqué à un sport propre. A ses débuts dans le VTT, il s'insurgeait contre les «chaudières» concurrentes qui tournaient à l'EPO. A son retrait de scène, l'an passé, il déclarait au Parisien : «J'ai battu des mecs qui trichaient.»

Son profil semble ainsi idéal pour ses nouvelles fonctions. Toutefois, Jean-Christophe Péraud ne pourra pas enrayer à lui seul les moteurs, un phénomène qui alimente les fantasmes depuis 2010 et qui a débouché sur un premier cas de flagrant délit lors des Championnats du monde de cyclo-cross en 2016. En particulier, il ne sera pas possible aux inspecteurs UCI de saisir des vélos suspects sans une législation adaptée dans les différents pays où se déroulent les compétitions. La lutte contre le dopage, qu'il soit biologique ou technologique, est toujours une affaire de volonté politique.