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Libération
Décryptage

Dopage : l’affaire Froome, la suspicion de trop ?

Le dernier vainqueur du Tour de France a été contrôlé «positif» à une dose très élevée de salbutamol, une substance antiallergique qui peut être aussi anabolisante. Pas encore coupable et donc pas encore suspendu, Froome doit désormais se défendre.
Le Britannique Christopher Froome (Sky) soulève le trophée sur le podium après avoir remporté la Vuelta, le 10 septembre 2017 à Madrid (Photo JOSE JORDAN . AFP)
publié le 13 décembre 2017 à 18h11
(mis à jour le 13 décembre 2017 à 18h13)

La nouvelle affaire de dopage dans le milieu du cyclisme peut sembler faiblarde dans son contenu (une substance pas très «lourde» incriminée) mais elle concerne le plus gros poisson de l'aquarium : le Britannique Chris Froome (Team Sky), vainqueur en juillet d'un quatrième Tour de France et en lice pour un doublé Tour d'Italie-Tour de France en 2018. Les faits, exposés mercredi matin par l'équipe Sky et l'Union cycliste internationale (UCI), qui ont anticipé les révélations de la presse (le Monde et The Guardian) : Froome a subi un contrôle «anormal» (on ne dit pas encore «positif» car une longue procédure démarre) au salbutamol (le principe actif contenu dans la Ventoline, entre autres), le 7 septembre, sur la 18e étape du Tour d'Espagne, la Vuelta dont il a enlevé le classement général - une victoire qui devrait lui être retirée. Si ces révélations élèvent d'un gros cran la suspicion qui entoure Chris Froome et son équipe depuis 2011, elles ne constituent pas un élément décisif et appellent, pour l'heure, plus d'interrogations que de réponses.

Pourquoi c’est suspect ?

C'est une dose de cheval que l'UCI a retrouvée dans les urines de Froome : 2 000 nanogrammes par millilitre, selon le Monde, le double du seuil autorisé. Au-delà, le sportif doit justifier qu'il a utilisé un spray (pas d'intraveineuse, comprimé ou suppositoire) et qu'il a respecté la limite de 1600 microgrammes de salbutamol par 24 heures (équivalent à 16 bouffées de Ventoline, ce qui est déjà beaucoup). Pourquoi avoir forcé à ce point ? Le salbutamol n'a pas seulement des effets bronchiodilatateurs (utiles pour l'asthme) mais aussi anabolisants, ce qui pourrait permettre à un cycliste de conserver sa masse musculaire pendant une épreuve. Froome, très maigre, a certes besoin de stabiliser son poids. Mais pourquoi s'exposer avec un produit facile à détecter ?

Comment Froome va se défendre ?

«Mon asthme s'est accentué durant la Vuelta, donc j'ai suivi les conseils du médecin de l'équipe pour augmenter mes doses de salbutamol», indique Chris Froome. Le coureur, connu pour suivre un traitement contre l'asthme, ne manquera pas de communiquer son dossier médical à la cellule antidopage de l'UCI. Il pourrait éventuellement plaider une déshydratation, qui aurait concentré le salbutamol dans ses urines, mais c'est un argument peu probant, le médecin présent lors du contrôle devant veiller à ce que les urines soient correctement concentrées. La marge de manœuvre de Froome s'annonce étroite.

Le salbutamol est-il le secret de Froome ?

Non, ce produit ne permet pas de gagner le Tour. Au contraire d'un vélo à moteur, stratagème que Froome était soupçonné d'employer en 2015 – mais sans preuve. Le salbutamol semble par ailleurs moins puissant que les corticoïdes pour lesquels Froome a obtenu plusieurs autorisations d'usage thérapeutique de la part de l'UCI, notamment une qui pose problème par le timing de sa délivrance, en 2014 : Froome, qui déclarait être malade et avoir besoin de se soigner, avait remporté le Tour de Romandie immédiatement après avoir reçu son AUT.

Froome peut-il encore gagner le Tour ?

Oui. La sanction, de deux ans au maximum, peut déboucher sur un simple avertissement de l'UCI, d'après le règlement. Froome pourrait également faire traîner la procédure car celle-ci lui permet de courir jusqu’à ce qu’il ait épuisé son dernier recours, devant le Tribunal arbitral du sport. Il s’alignerait alors sur le Tour comme Richard Virenque en 1999, Alejandro Valverde en 2007 et 2008 ou encore Alberto Contador en 2011, tous sous le coup d’un jugement pour dopage mais qui ont su jouer la montre. Bonjour l’ambiance.