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Libération
La gagne

Début de l'Euro de handball : la France carbure au feu sacré

Ludovic Fabregas, le 19 janvier 2017, à Nantes (Photo LOIC VENANCE. AFP)
publié le 12 janvier 2018 à 10h42

Vendredi, l'équipe de France de handball débute ses championnats d'Europe, en Croatie, face à la Norvège. Des tauliers partent (Omeyer, Narcisse), d'autres perdurent (Karabatic, Guigou), des trombines s'installent (Fabregas, Remili) mais la routine reste identique : depuis deux décennies, les Bleus ne jouent que la gagne. Didier Dinart, sélectionneur, l'an passé, juste avant le titre de champion du monde : «Si je parle de période de transition, les gens diront "il se fout de notre gueule".» Vrai.

Il n’empêche : à l’époque, les cadres invincibles prenaient des rides et les nouveaux sur le parquet sentaient encore le talc. Sur le banc, Claude Onesta, le guide quasi dépeint en Harry Potter au gré des succès, avait laissé sa place. Cela suffisait à voir un début de dégringolade. Ou bien, à le fantasmer. Dinart insistait alors sur le pouvoir de l’initiation et de la transmission (les clés du zinc ne sont pas entre des mains moites) en s’assurant de rester le plus vague possible. En assumant, en filigrane, l'idée selon laquelle les non-initiés ne pouvaient pas comprendre les coulisses. Mystère ? Les victoires fabriquent des mythes, que les acteurs prennent plaisir à perpétuer.

Quelque part sur YouTube, Daniel Costantini, ex-entraîneur de l'équipe de France (1985-2001), raconte ses souvenirs. Une séquence dans laquelle il parle, entre autres, «d'omniprésence» et «d'omni-absence». De chaises aussi. En 2001, il s'assoit avec ses joueurs et les regarde pour leur annoncer une nouvelle : «L'entraîneur précédent est mort.» C'est lui, le défunt. Les Bleus sortent d'une décevante quatrième place aux championnats d'Europe. L'un des handballeurs casse le silence en proposant de changer la disposition des sièges. Costantini y voit le début d'une autre ère.

Claude Onesta, son successeur (2001-2016), a écrit un bouquin et prêche la bonne parole aux entreprises, qu’il guide vers l’harmonie. Il a tellement gagné qu’il s’est interrogé sur l’utilité de la victoire. Celle-ci, à certains égards, serait anormale.

Et Dinart, l’héritier  ? Il fut longtemps le meilleur défenseur du monde. A posteriori, le sélectionneur parle de son rôle d’autrefois comme d’un sacerdoce – l’élu, parfois tourmenté. ll l’a tellement intériorisé qu’il couchait des systèmes défensifs sur du papier dans son coin, comme on gratterait un grimoire. Quand on y met un peu trop le nez, c’est fascinant : on pourrait vraiment penser, comme ça, que le handball français est un monastère.