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Libération
Récit

Kitzbühel, spatules et tremblements

Samedi, les meilleurs skieurs mondiaux dévaleront la Streif, à plus de 100km/h de moyenne. La station autrichienne accueille, depuis cinquante-et-un ans, la descente la plus prisée, mais aussi la plus redoutée par les spécialistes de la vitesse. Pour plusieurs raisons.
Jean-Claude Killy en 1968 sur la Streif. Un an plus tôt il avait remporté la première descente organisée sur cette piste qui allait devenir mythique. (Photo AFP)
publié le 19 janvier 2018 à 17h36

Qui succédera à l’Italien Dominik Paris, vainqueur l’an passé à Kitzbühel? Les prétendants sont nombreux: Aksel Lund Svindal, Beat Feuz ou encore Kjetil Jansrud, pour ne citer qu’eux, envisagent sérieusement de monter sur la plus haute marche du podium de l’épreuve autrichienne. Pour goûter aux honneurs de cette course prestigieuse, ils devront néanmoins se méfier des nombreux pièges qui jalonnent la piste. Mais le jeu en vaut la chandelle.

Une descente légendaire…

La descente de Kitzbühel est la plus mythique de la coupe du monde, avec celle de Wengen (Suisse). La piste autrichienne, de plus de trois kilomètres, ne laisse aucun répit aux skieurs. Ils doivent notamment, en tout début de course, franchir le «Mausefalle» («piège à souris» en allemand), une pente de 85%, la plus raide du circuit. Et ce n'est pas fini. Dans le final, les skieurs arrivent lancés à 140 km/h sur une bosse qui les propulse jusqu'à la ligne d'arrivée. Le Canadien Rob Boyd, 3e en 1991, résume bien le cauchemar qui attend les concurrents: «Les trente-cinq premières secondes sont absolument terrifiantes. Les trente-cinq dernières secondes sont absolument terrifiantes. Entre les deux, tu essaies simplement de comprendre comment tu as survécu à la partie supérieure et tu te prépares à survivre à ce qui t'attend.»

… et dangereuse

Sur une telle piste, pas étonnant que les chutes soient nombreuses et spectaculaires. Le problème, c'est qu'elles sont aussi dangereuses, faisant grincer les dents de certains skieurs. Beat Feuz, qui avait chuté sur la Streif l'an passé, avait qualifié la piste de «scandale» et de «catastrophe». Nombreux sont ceux qui ont demandé à ce que la descente soit moins dangereuse. «Le parcours est immuable, et la Streif sera toujours la Streif. Mais nous pouvons apporter des nouveautés pour améliorer la sécurité et des points techniques», répond le chef de piste, Herbert Hauser, dans une volonté d'apaisement. Quoi qu'il en soit, la peur accompagnera, encore cette année, les skieurs au portillon de départ: «Tu sais que c'est bientôt ton tour. Tu commences un peu à avoir des nœuds dans l'estomac et il faut savoir les gérer», raconte le Français Guillermo Fayed. Arriver en bas est déjà une victoire pour la majorité des descendeurs.

Un public chaud bouillant

Autre particularité de l'étape de Kitzbühel : la densité de son public. Avec 50 000 à 60 000 visiteurs, la station réserve un accueil fervent aux skieurs. En 1999, ils étaient 100 000 à se rendre sur le site, un record. L'ambiance dans la raquette d'arrivée est brûlante, balançant entre les cris d'effroi lors des chutes dans le dernier saut et les acclamations quand les Autrichiens réalisent le meilleur temps. «Quand t'arrives en bas, c'est noir de monde, t'as 50 000 ou 60 000 personnes, l'atmosphère est assez indescriptible. C'est l'Autriche, le pays numéro 1 au niveau du ski», déclarait le regretté David Poisson au Monde en 2014.

Le palmarès gravé sur les télécabines

Le vainqueur de la Streif gagne 70 000 euros et un trophée en forme de chamois. Mais, surtout, une entrée dans le panthéon du ski et son nom gravé sur l'une des télécabines qui emmènent les skieurs en haut de la piste. Luc Alphand, vainqueur des deux descentes qui y ont été organisées en 1995 et d'une autre en 1997, se souvient très bien du numéro de la cabine qui porte son nom : «C'est la 48! On laisse une trace dans l'histoire. Quand vous êtes pilote de F1, c'est sympa d'avoir le grand prix de Monaco à son palmarès; si vous êtes descendeur et skieur, gagner à Kitzbühel, c'est pas mal…» «On nous demande souvent ce qu'on préférerait gagner entre Kitzbühel et les Jeux olympiques, renchérit le Français Adrien Théaux. Beaucoup d'entre nous ont du mal à répondre. Kitzbühel, c'est la Mecque du ski. S'il y a une descente à gagner, c'est celle-là.»

Un Français premier vainqueur

Le premier skieur à avoir remporté la mythique descente, en 1967, n'est autre que… Jean-Claude Killy. La même année, il a également remporté le slalom disputé dans la station autrichienne. Luc Alphand est le seul autre français à avoir remporté une descente sur la Streif. L'an passé, les Français Valentin Giraud-Moine et Johan Clarey ont pris les deuxièmes et troisièmes places, preuve qu'un Français pourrait bientôt succéder aux deux champions précédemment cités. Le Suisse Didier Cuche détient le record du nombre de victoires, avec cinq succès (1998, 2008, 2010, 2011, 2012).

La descente de Kitzbühel comme si vous y étiez

Descente retransmise sur Eurosport et SFR Sports 2 à 11h30