Elisabeth Revol, 37 ans, est une battante, une femme au moral d’acier qui cache derrière son petit gabarit une puissance et une résistance hors du commun. Pulsation cardiaque de 40 battements par minute au repos, alimentation bio et sans gluten de championne, la prof de gym de Saoû, dans sa Drôme natale, s’adonne à l’himalayisme depuis près de dix ans. Elle a découvert la montagne enfant, avec sa famille. Elle est sélectionnée après ses études à Valence et Grenoble par l’équipe nationale féminine de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM) et participe dans ce cadre à sa première expédition sur un sommet de 6 000 mètres en Bolivie, où elle fait déjà preuve, à 26 ans, d’un gros mental. Elle fait ensuite une entrée très rapide et remarquée dans le petit monde des himalayistes, où les femmes sont rares, en réussissant en 2008, pour son premier voyage en Himalaya, au Pakistan déjà, deux sommets de 8 000 mètres, le Gasherbrum 1 et le Gasherbrum 2. Elle est alors à deux doigts de réussir un triplé historique en s’attaquant dans la foulée à un troisième 8 000, le Broad Peak : elle s’arrête à l’antécime, non loin du sommet principal.
Premier drame
Son alpinisme est ambitieux : elle recherche le style le plus léger possible, c’est-à-dire sans oxygène en bouteille et sans l’assistance de sherpas, même si elle reste alors sur les voies normales d’ascension. En 2009, sur l’Annapurna (8091 mètres, au Népal), elle connaît un premier drame : dans la tourmente et à très haute altitude, elle perd la trace de son compagnon d’ascension, le Tchèque Martin Minarik, qui ne reparaîtra jamais. Elisabeth Revol regagne seule le pied de la montagne. Elle met alors ses ambitions himalayennes de côté et consacre son énergie débordante au raid multisport, où elle décroche avec son équipe un titre de championne d’Europe. Mais la passion de la très haute altitude la taraude et elle repart en 2013 vers l’Himalaya, prenant des congés sans solde de plus en plus longs. Elle s’est notamment fixé un objectif incroyablement ardu : réussir la première ascension hivernale du Nanga Parbat (8 126 mètres). L’himalayisme hivernal, spécialité des grimpeurs de l’Est, polonais notamment, implique une solidité morale et physique difficilement descriptibles. Bien peu de femmes s’y risquent.
«Impuissance»
Elisabeth se rend à trois reprises au Nanga Parbat en hiver. En 2014-2015 puis 2015-2016, elle est, déjà avec Tomasz Mackiewicz, sur la voie Messner du versant Diamir du Nanga Parbat, une voie majoritairement glaciaire où ils progressent en totale autonomie, sans cordes fixes, ni sherpas, ni oxygène, par des températures terribles. A deux reprises ils échouent, à 7 800 mètres début 2015, à 7 500 mètres début 2016, très haut donc, mais encore loin du sommet.
L'échec est amer, mais la Drômoise ne se décourage pas : elle repart l'hiver suivant au Manaslu (8 163 mètres, Népal). Et échoue de nouveau. «Je n'ai fait que subir les conditions, avec un sentiment d'impuissance et beaucoup de grands moments de solitude dans ma tente face au silence de la neige qui tombe pendant cinquante heures», avait-elle confié au Dauphiné libéré. Après une tentative au Makalu (8 481 mètres) début mai, avortée tout près du sommet de nouveau, sa détermination paye enfin et elle réussit le Lhotse (8 516 mètres, Népal), voisin de l'Everest, le 20 mai 2017. Forte de ce succès, elle repart cet hiver avec Mackiewicz sur leur grand projet au Nanga Parbat. Ils arrivent cette fois au sommet, signant la deuxième hivernale et la première hivernale féminine de ce sommet. Elle est désormais la première femme à avoir atteint un 8 000 en hiver, sans oxygène… mais au prix démesuré que l'on connaît : la mort pour Tomasz et la survie, de justesse, pour elle.