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égalité femmes-hommes

Jeux olympiques de Pyeongchang : vers un peu plus de mixité

Les Jeux de Pyeongchangdossier
Les JO d'hiver 2018 comprennent un nombre record d'épreuves féminines et d'épreuves où femmes et hommes concourent dans les mêmes équipes, même si la mixité peine encore à s'imposer dans certaines disciplines.
Les équipes de curling mixte lors des premières épreuves des Jeux de Pyeongchang, le 8 février 2018 en Corée du Sud. (Photo François-Xavier MARIT. AFP)
publié le 9 février 2018 à 11h11

Janvier 1924 : Pierre Brunet et Andrée Joly remportent une médaille de bronze en patinage artistique aux premiers Jeux olympiques d’hiver de l’histoire, à Chamonix. Treize athlètes féminines (et 245 hommes) participent à la compétition. Andrée Joly est la seule Française. Le duo sera ensuite doublement médaillé d’or, en 1928 et en 1932. Si le patinage, avec l’épreuve en couple, a su rapidement trouver sa place dans le programme olympique (en fait dès 1908, aux JO d’été de Londres), la mixité, plus d’un siècle plus tard, peine toujours à s’imposer. Les Jeux de Pyeongchang, dont l’ouverture officielle a lieu ce vendredi, comptent 8 épreuves mixtes sur 102 au total, en patinage artistique mais aussi en biathlon, curling, luge et ski alpin.

Néanmoins, il y a du mieux. Deux nouvelles épreuves mixtes ont fait leur apparition aux JO de 2018, par rapport à ceux de 2014 : l'épreuve par équipes en ski alpin et le curling double mixte. Cette dernière, en duo homme-femme, a d'ailleurs donné le coup d'envoi des Jeux ce jeudi, à la veille de la cérémonie d'ouverture. L'équilibre des épreuves non-mixtes, lui, est presque respecté, avec 50 épreuves masculines contre 44 féminines. Un record, saluait le Comité international olympique (CIO) en 2015 après avoir arrêté le programme. «Le nouveau programme comprendra un nombre record d'épreuves féminines et d'épreuves mixtes ; il permettra à un nombre sans précédent de femmes de concourir et aboutira à une hausse du taux global de participation féminine», écrivait alors le comité. Autre «avancée majeure» pour le CIO : le fait qu'un nombre identique d'épreuves masculines et féminines soit disputé le dernier jour des Jeux. Aucune compétition féminine n'avait eu lieu le dernier jour des compétitions lors des deux dernières éditions des JO d'hiver.

De 9 à 18 épreuves mixtes entre Rio 2016 et Tokyo 2020

Ce mouvement en faveur de plus d'égalité et de mixité s'est accéléré depuis les Jeux de Sotchi, en 2014. Trois épreuves par équipes mixtes avaient été ajoutées (en patinage artistique, biathlon et luge), rappelle l'Equipe dans son édition de jeudi. Les JO d'été ne sont pas en reste : le nombre d'épreuves mixtes passera de 9 à 18 entre Rio 2016 et Tokyo 2020 (avec par exemple le relais mixte 4x100 m en natation). Quant aux nouvelles disciplines non mixtes introduites, elles ne sont jamais exclusivement masculines et doivent avoir leur pendant féminin, souligne également Lorraine Danet, consultante sport, qui considère le CIO «précurseur» en matière d'égalité femmes-hommes depuis plusieurs années. Parmi les progrès accomplis récemment, le CIO, qui vient d'approuver une vingtaine de recommandations pour parvenir à plus de parité entre hommes et femmes, insiste aussi sur la plus grande participation féminine : 44% des participants étaient des participantes à Londres en 2012, tandis que les Jeux de Rio ont accueilli 45% de femmes et détiennent le record du plus grand nombre de sportives accueillies.

Malgré tout, les disciplines dans lesquelles femmes et hommes partagent la même équipe ont parfois du mal à s'imposer : aucune équipe mixte ne s'est qualifiée pour le bobsleigh à quatre aux JO 2018, alors que l'épreuve était pour la première fois ouverte aux femmes. Même constat pour la luge double. Elle est ouverte à la mixité depuis 1994, mais aucune femme n'a jamais formé de duo avec un homme depuis. L'explication avancée est étonnante : le plus léger des équipiers devant être allongé sur l'autre, le CIO craindrait «la connotation sexuelle que pourrait prendre l'affaire», écrit l'Equipe. Ce sera finalement la luge double féminine qui sera introduite aux JO de la jeunesse hiver de 2020 à Lausanne, au côté du combiné nordique (mélange de saut à skis et de ski de fond) féminin, seule discipline encore exclusivement masculine à Pyeongchang.

Une meilleure visibilité des femmes sportives

Lorraine Danet ne se formalise pas de l'absence de femmes dans des disciplines pourtant «open» sur le papier. «On part de loin, il faut laisser le temps aux fédérations de s'organiser. C'est un travail qui est très long, estime la consultante. Le changement de culture ne se décrète pas, on ne va pas avoir d'un coup 50% de sport féminin !» Pour Nicole Abar, ancienne internationale de football engagée en faveur de l'égalité filles-garçons dans le sport, la priorité est d'abord d'abattre les barrières qui empêchent les plus jeunes de participer à certains sports. «Si on veut des disciplines mixtes, il faut repenser les opportunités que l'on donne aux enfants, leur offrir une égalité de choix, en apprenant par exemple aux filles qu'elles peuvent courir ou jouer au foot», défend l'ancienne joueuse, cofondatrice du collectif Egal Sport, engagé pour l'égalité femmes-hommes dans le sport et mobilisé sur cette question. Pour elle, les équipes qui mélangent femmes et hommes ont de nombreux avantages : «Il y a une solidarité qui se crée, un vrai esprit d'équipe, au-delà du genre», même si «ce n'est pas pour autant qu'il faut écarter les disciplines actuelles qui ne sont pas mixtes».

L'introduction de disciplines mixtes et l'ouverture d'une discipline aux femmes obligent les fédérations à développer la pratique, «à faire en sorte que les femmes et les hommes soient aussi bien préparés, aussi bien entourés, aient les mêmes moyens», ajoute Nicole Abar. «A chaque fois que le CIO a ouvert une porte en faveur des compétitions féminines, cela a eu des répercussions sur l'ensemble de la pratique féminine, en France et ailleurs», notamment grâce à la médiatisation des épreuves, note-t-elle. Marie-Françoise Potereau, présidente de l'association Femmes mixité sports et conseillère interfédérale en charge de l'égalité femmes-hommes dans le sport, abonde : «Montrer ces équipes mixtes à la télévision peut faire rêver les jeunes filles, leur donne envie de se lancer.» Elle cite l'exemple du biathlon, introduit en relais mixte en 2014, désormais bien plus «pratiqué par les filles dans les clubs locaux» qu'auparavant. «Les épreuves mixtes permettent de performer ensemble, en prenant en compte les différences de chacun et chacune, s'enthousiasme Marie-Françoise Potereau. Si on montre que c'est possible dans le sport, cela doit pouvoir se dupliquer dans la société tout entièrePar exemple dans le monde de l'entreprise, avec des binômes à la tête des directions !»