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JO

Les hommes à suivre à Pyeongchang

Les Jeux de Pyeongchangdossier
Les Jeux olympiques en Corée du Sud débutent ce vendredi. Passage en revue des sportifs qui feront la quinzaine.
publié le 9 février 2018 à 9h59

Marcel Hirscher (Autriche, ski alpin), l’intouchable

Depuis six ans, le skieur de 28 ans domine le ski alpin. Vainqueur des six derniers gros globes de cristal (un record), de 55 manches de coupe du monde et six fois médaillé d’or aux championnats du monde, il possède un palmarès qu’aucun de ses concurrents n’approche. Mais, pour entrer définitivement dans l’histoire de son sport, Marcel Hirscher doit aller chercher le seul titre qui lui manque : la médaille d’or olympique. Pour ses premiers Jeux, à Vancouver (2010), il n’avait pu faire mieux qu’une cinquième place en slalom et une quatrième place en géant. S’il termine de nouveau au pied du podium en géant, quatre ans plus tard à Sotchi,

. Une performance qui sauve ses Jeux mais n’en est pas moins décevante, compte tenu de son statut de meilleur skieur du monde. A Pyeongchang, il aura deux fois plus d’occasions de se rattraper : sur le slalom et en géant bien sûr, mais également sur le combiné et l’épreuve par équipes mixtes. Même perturbé par une blessure à la cheville cet été, l’Autrichien,

,

a prouvé, avec ses dix victoires cette saison, qu’il sera prêt à en découdre en Corée du Sud. (Photo AFP)

Alexis Pinturault (France, ski alpin), le revanchard

Après des Mondiaux 2017 à Saint-Moritz décevants, Alexis Pinturault entend bien remettre les pendules à l'heure. Et il n'hésite à placer la barre très haut «Des JO réussis ce serait avec une médaille d'or», assurait-il en novembre. Pourtant, difficile de considérer la «Bête»  (son surnom), comme le grand favori de sa discipline de prédilection, le géant, que domine Marcel Hirscher. C'est encore moins le cas en slalom, où il n'a plus gagné depuis 2014. Reste le combiné (une descente et une manche de slalom). Avec sept victoires sur les douze dernières épreuves de coupe du monde, l'or est dans ses cordes. Le hic, c'est que Pinturault n'a encore jamais brillé dans la discipline lors des grands événements. En trois participations aux championnats du monde, il n'a pas fait mieux qu'une 5place (Vail et Beaver Creek, 2015). A Sotchi, il n'était pas arrivé au bout, manquant une porte lors de la manche de slalom. Mais le Français est déterminé, conscient qu'à 26 ans, les opportunités de se parer d'or vont se raréfier. (Photo AFP)

La victoire de Pinturault au dernier combiné de Bormio :

Johannes Boe (Norvège, biathlon), le métronome

Johannes Boe a atteint l'âge de la maturité. Longtemps irrégulier, surtout derrière la carabine, le biathlète de 24 ans est devenu un métronome cette saison. Avec dix podiums, dont six victoires, en douze courses, le Norvégien en impose. Il aurait même déjà une main et quatre doigts sur le gros globe de cristal si Martin Fourcade, encore plus extraordinairement régulier (12 podiums, 5 victoires), n'existait pas. Qu'importe. Le prince de Norvège est prêt à destituer le roi de France en Corée du Sud. Fort de ses temps de ski, meilleurs que ceux de son rival, Boe est sûr de lui. Il sait qu'en cas de sans-faute au tir, il est pratiquement imbattable. De plus, il a déjà l'expérience de Jeux, puisqu'il a participé à ceux de Sotchi il y a quatre ans, où il avait pris la quatrième place de la mass start. Mais il devra résister à la pression que lui confère son statut de (co)favori. D'autant que tous les espoirs norvégiens reposent sur lui : la légende Bjoerndalen est absente, Svendsen est en manque de résultats et son frère Tarjei, se montre trop irrégulier pour être fiable. S'il y a bien une épreuve où le cadet des frères Boe peut rêver d'or, c'est le sprint. Dans sa biographie, Martin Fourcade reconnaît sa valeur sur ce format de course court (10 km) : «Johannes Boe y est extrêmement performant. Dans un style assez différent du mien. Moins en maîtrise, plus dans l'esprit "ça passe ou ça casse". Partir à fond et tenir. Quand cela fonctionne, il est difficile à battre, même quand je suis à mon meilleur niveau.»

Un tir debout ultrarapide de Boe :

Equipe américaine de hockey, les jeunes loups

Pour la première fois depuis 1994, la puissante ligue de hockey nord-américaine (National Hockey League, NHL) a refusé de laisser ses joueurs disputer les JO cet hiver. Un coup dur pour les Etats-Unis et le Canada, tenant du titre, dont les meilleurs éléments viennent de cette ligue. Mais alors que le Canada a fait le choix d’aligner une équipe expérimentée d’ex-joueurs de NHL (31 ans de moyenne d’âge), les Etats-Unis ont privilégié une équipe de jeunes loups, guidés par un vieux grognard, Brian Gionta (39 ans), qui a disputé les Jeux de Turin en 2006. Difficile dans ces conditions d’imaginer les Américains remporter la médaille d’or, qui les fuit depuis 1980. Ironie de l’histoire, lors de ces Jeux organisés à Lake Placid, les Etats-Unis avaient présenté une équipe de joueurs amateurs encore étudiants. Personne ne s’attendait à ce qu’ils battent en finale l’URSS, quadruple tenante du titre. Un match mythique, connu aujourd’hui sous le nom de «Miracle sur glace». Trente-huit ans plus tard, ce serait bien un miracle de voir les joueurs américains remporter l’or.

La dernière victoire des Etats-Unis, en 1980 :

Kamil Stoch (Pologne, saut à ski), l’homme volant

Né à Zakopane, dans le sud de la Pologne, Kamil Stoch était prédestiné à devenir un grand champion de saut à ski. La localité polonaise abrite en effet l'un des tremplins les plus mythiques. C'est là qu'il a débuté en Coupe du monde, en 2004, à 16 ans. C'est là aussi qu'il y a signé son premier succès, en 2011. Une victoire qui lance véritablement la carrière du Polonais volant, qui ne cesse d'impressionner. Alors que ses deux médailles d'or glanées en individuel (petit et grand tremplin) à Sotchi constituaient la consécration de sa carrière, il est allé encore plus haut cette saison. Le 6 janvier, Stoch a réalisé un véritable exploit. En remportant le concours de Bischofshofen, il effectue le grand chelem dans la tournée des quatre tremplins, épreuve majeure de la discipline. Une performance que seul Sven Hannawald avait réalisée, en 2002, depuis la création de la tournée, en 1953. A 30 ans, le Polonais n'a sans doute jamais été aussi fort et s'est parfaitement relevé d'une saison 2015-2016 très difficile (22de la Coupe du monde), à cause d'une blessure au pied. Mieux, c'est la deuxième année consécutive qu'il remporte la tournée des quatre tremplins. On ne voit pas qui pourrait l'empêcher de survoler les Jeux de Pyeongchang. (Photo AFP)

Vidéo du premier saut de Stoch lors du concours de Bischofshofen :

Maurice Manificat (France, ski de fond), la grosse caisse

A 31 ans, Maurice Magnificat est le fer de lance de l'équipe de France de ski de fond, qui ne s'est encore jamais parée d'or aux Jeux olympiques. Mais qui, sur la lancée de sa médaille de bronze en relais à Sotchi, a de beaux arguments à faire valoir. Son leader surtout. «Maurice, c'est un physique hors du commun. C'est parmi les plus gros moteurs du monde. Il n'a vraiment rien à envier à Miguel Indurain [quintuple vainqueur du Tour de France dans les années 90, ndlr] ou Kilian Jornet [le roi de l'ultra-trail] sur le plan physiologique», admire Martin Fourcade. «Il est complètement dans son monde. Mais il est aussi investi à 100 % dans sa performance», ajoute Robin Duvillard, qui le côtoie en équipe de France. Sa victoire sur le 15 km libre de Davos (Suisse) lui a donné la confiance nécessaire pour aborder sereinement les JO et lui permet d'occuper la première place du classement général de la distance (dossard rouge). «C'est sans doute le meilleur début de saison de ma carrière», assure-t-il. Mais, à l'approche d'une des échéances les plus importantes de sa vie, il se montre prudent, conscient de la qualité de ses rivaux et des aléas des courses d'un jour : «Les JO, ce sont des épreuves qui s'achèvent sur la vérité d'un jour, pas de toute une saison. C'est totalement différent. Donc ce dossard rouge en lui-même ne m'apporte rien pour PyeongChang. En revanche, les courses que j'ai faites pour l'obtenir me mettent en confiance.» Le Haut-Savoyard a aussi du caractère. Il n'a pas apprécié les révélations de nombreux tests sanguins anormaux au sein du ski de fond et l'a fait savoir ce mercredi: «J'aimerai que les gens qui ont propagé cette information s'excusent, qu'ils disent que leur information n'a pas lieu d'être. Cela fait du tort au sport en général et à notre discipline en particulier.» (Photo AFP)

Jean-Frédéric Chapuis (France, ski-cross), le patron

C'était l'une des images fortes des Jeux de Sotchi. Jean-Frédéric Chapuis franchissant en tête la ligne d'arrivée de l'épreuve de ski-cross, devant ses compatriotes, Arnaud Bovolenta et Jonathan Midol. Une performance historique : jamais dans l'histoire des Jeux olympiques, été et hiver confondus, les trois marches du podium n'avaient été occupées par trois Français. Depuis, Jean-Frédéric Chapuis a remporté trois Globes de cristal de sa discipline et deux médailles, une en or, l'autre en argent, aux championnats du monde. De quoi, à première vue, arriver confiant à Pyeongchang. Seulement, le skieur français a connu une baisse de régime cet hiver, au plus mauvais des moments. Sans victoire en Coupe du monde jusqu'au 14 janvier, il a reconnu avoir commencé «à ressentir un peu de doute» pendant la période des fêtes. Allant jusqu'à craindre une non-qualification pour les Jeux, tant la densité du groupe France est importante. Mais le skieur de 28 ans a mis les points sur les «i» à Idre Fjall (Suède), mi-janvier. Auteur d'un finish de folie en finale, il a devancé le Suisse Alex Fiva et son compatriote Jonas Devouassoux. Sa saison est enfin lancée. «Je peux encore progresser, mais j'utilise chaque course pour régler les derniers détails. Maintenant, je sais que je suis sur la bonne voie», a-t-il assuré après sa victoire. Le patron est bien de retour.

Le triplé français à Sotchi :

Felix Loch (Allemagne, luge), la légende

Plus jeune champion du monde de luge à 18 ans, recordman de vitesse sur une piste à 19 et plus jeune champion olympique de l'histoire à 20 ans (Vancouver 2010), Felix Loch est un monstre de précocité. Depuis, l'Allemand a remporté deux autres médailles d'or olympiques, est devenu quintuple champion du monde et a gagné la Coupe du monde à cinq reprises. Mais, depuis peu, sa domination insolente est contestée, relançant le suspens pour les Jeux de Pyeongchang. L'année dernière, il a été devancé au classement général de la Coupe du monde par le Russe Roman Repilov et n'est pas monté sur le podium des championnats du monde qui se sont déroulés Igls (Autriche), terminant à une inhabituelle dixième place. Cet hiver, même si Felix Loch domine le classement général de la Coupe du monde, il a déjà été battu à plusieurs reprises. Ses adversaires savent qu'il n'est plus aussi intouchable qu'avant. Pour autant, difficile de ne pas considérer l'Allemand de 28 ans comme l'homme à battre en février. Le sextuple médaillé olympique italien, Armin Zöggeler ne tarit pas d'éloges pour celui qu'il a affronté à de nombreuses reprises sur les pistes : «Felix Loch est un véritable talent à l'état pur. Les caractéristiques physiques de son corps sont quasi idéales pour la luge et grâce à son potentiel de travail énorme, il a accédé assez rapidement au statut de vedette.» En cas de victoire sur la piste de Pyeongchang, il rejoindrait au panthéon des lugeurs son compatriote Georg Hackl, le seul à avoir remporté trois médailles d'or de suite aux JO, entre 1992 et 1998. (Photo AFP)

Pita Taufatofua (Tonga, ski de fond), le généreux

C'est la belle histoire de ces Jeux. Pita Taufatofua avait fait sensation en défilant le torse enduit d'huile et le drapeau des Tonga en mains, à la cérémonie d'ouverture des Jeux de Rio. Deux ans plus tard, celui qui brillait en taekwondo va participer aux Jeux d'hiver de Pyeongchang, en ski de fond. Il s'était lancé le défi d'être le premier fondeur de l'archipel à se qualifier pour la compétition. C'est désormais chose faite. Mais la qualification était loin d'être acquise. «Je me suis entraîné pendant un an sur des rollerskis, c'est la pire chose qu'on ait inventée au monde, avait-il déclaré au CIO après sa qualification. En tout, cela fait dix semaines que je pratique sur la neige. J'ai participé à sept courses et, chaque fois, j'ai échoué de peu. Et puis, j'ai appris qu'il y avait une dernière course [pour la qualification, ndlr], mais que celle-ci était vraiment au bout du monde [en Islande]. Je savais que je devais tout donner, que c'était du quitte ou double, alors j'ai vraiment donné tout ce que j'avais, et aujourd'hui, je suis heureux.» Un exploit d'autant plus remarquable qu'il ne neige jamais aux Tonga. Evidemment, Pita Taufatofua n'a aucune chance de rapporter une breloque. Mais sa fraîcheur, illustrée par ses impressionnants progrès sur les skis, devrait illuminer la compétition. (Photo AFP)

Dario Cologna (Suisse, ski de fond), le revenant

Dario Cologna revient juste à temps. Après quatre saisons difficiles où les blessures et la poisse ne l’ont pas épargné, le Suisse, à l’image de son compatriote Roger Federer, revient à son meilleur niveau. «Super Dario», comme on l’appelle,

(voir vidéo). Son premier depuis six ans.

«Revenir au plus haut niveau après six ans, ça fait plaisir»,

déclarait-il après sa victoire. Gagner quatre Tours de ski, personne ne l’avait fait avant lui. Qu’on se le dise, Cologna est déjà une légende dans son sport. En 2010, il remporte son premier titre de champion olympique en gagnant le 15 km libre alors qu’il n’a que 23 ans. Quatre ans plus tard, à Sotchi, il triple la mise en s’imposant lors du 15 km (classique cette fois-ci) ainsi que sur la poursuite skiathlon. A 31 ans, il a allégé son début de saison pour se focaliser sur les Jeux. Une tactique qui pourrait bien s’avérer payante si l’on en croit la forme affichée par le Grison lors de sa victoire sur le 15 km de Seefeld le 28 janvier. A Pyeongchang, où il pourrait être le porte-drapeau de sa délégation si le calendrier le lui permet, Dario Cologna viendra donc pour décrocher un quatrième titre olympique et écrire encore plus l’histoire de sa discipline. (Photo AFP)