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Libération
Pyeongchang

JO : en Super-G, Matthias Mayer fait parler la neige

Après son compatriote Hermann Maier, l’Autrichien de 27 ans devient le second non-norvégien en vingt ans à remporter l’or olympique dans la discipline.
L'Autrichien Matthias Mayer, lors du Super-G de vendredi à Jeongseon. (Photo Javier Soriano. AFP)
publié le 16 février 2018 à 17h50

Surpuissante au point de confisquer le titre olympique en super-G depuis quatre olympiades, la Norvège a laissé filer l’or vendredi sur la piste de Jeongseon : une raison de plus pour faire entrer ces Jeux coréens dans l’histoire des sports d’hiver.

«Bon, on s'attendait à un nouvel or norvégien, a expliqué Kjetil Jansrud, 3e de ce Super-G après sa 2e place de la descente la veille. Comme si c'était évident ! Moi, je suis content du bronze. Et content aussi d'être sur un podium aussi costaud.» En 2e position, rien moins que le champion du monde en titre de descente, le Suisse Beat Feuz. Et sur la première marche, l'Autrichien Matthias Mayer, champion olympique de ­descente à Sotchi, 27 ans, «fils de» (Helmut Mayer), skieur étrange comptant désormais deux ors au Jeux alors qu'il ne s'est jamais ­imposé qu'à quatre reprises ­depuis son apparition sur le circuit de Coupe du monde en 2011.

Vol plané

Sur les pistes, Mayer est une merveille : ses skis «parlent» à la neige, c'est-à-dire qu'il se dégage une impression suave et douce là où d'autres s'expriment en force. Son dossard élevé (le 15) aurait dû le faire plonger ­vendredi, sur un parcours qui s'est vite dégradé : le natif d'Afritz am See (Carinthie) a exprimé une sorte de magie. Ces skieurs-là traversent les courses en empathie avec le relief et la neige, les sens ouverts : alors que certains skieurs de vitesse confessent ne comprendre avoir réussi ou raté leur descente qu'en regardant le tableau électronique à l'arrivée, Mayer a expliqué avoir flairé sur le bas du parcours que ça devait «être bon pour [lui]». «Après, voir du vert [indiquant qu'on tient le meilleur chrono, ndlr] sur le tableau d'affichage vous procure toujours un ­sentiment fantas­tique, a-t-il ajouté. Je me suis fait mal à une hanche en chutant lors de la manche du slalom du combiné mardi et mon kiné a eu pas mal de travail ces derniers jours. Ma hanche est ­encore bien bleue. Mais elle a tenu. Mon père a gagné la médaille d'argent aux JO de 1988 et je la voyais tous les jours dans le salon familial depuis ma naissance en 1990. Depuis Sotchi, je suis bien content d'avoir la mienne aussi.»

Matthias Mayer n’est pas seulement le fils de son père. Il est également celui d’une scène fondatrice dont il explique qu’elle lui a donné le goût du ski de compétition, sans doute la plus célèbre de toute l’histoire récente du ski : le vol plané de Hermann Maier lors de la descente des Jeux de Nagano en 1998, quand le colosse autrichien partit s’écraser en contrebas dans un fracas qui impressionna l’adolescent malingre que Mayer était alors. Hermann Maier gagna le Super-G dans la foulée, preuve de ses qualités mentales en acier trempé : le «maçon de Flachau» demeurait le dernier vainqueur non norvégien d’un Super-G olym­pique avant vendredi.

Ombre

Du caractère, il en aura aussi fallu à Mayer : athlète à maturation lente, il a eu du mal à sortir du lot dans un pays qui produit des skieurs de top niveau par wagons, et où l’on peut se permettre le luxe d’oublier ceux qui prennent du retard. Opéré à la cheville début 2002, il contracte alors une arthrite réactionnelle, maladie rare affaiblissant le système immunitaire qui fit perdre à ce poids plume (un handicap dans les disciplines de vitesse) une quinzaine de kilos.

Il y eut enfin l'ombre du père. «Ces dernières années, j'ai pris les choses en main par moi-même, racontait-il récemment à la presse autrichienne. Je me suis dit que c'était important que les gens comprennent que je faisais cela pour moi.» Deux ors olympiques contre l'argent paternel : il est au-dessus.