Elles sourient de toutes leurs dents même lorsque le vent glacial force tout le monde à serrer les mâchoires. Elles portent avec naturel et élégance des tenues qu’on croirait sorties des publicités des débuts de l’ORTF. Elles savent bouger la tête comme des marionnettes, marcher sans un pas de travers, ne jamais donner l’impression de regarder quelqu’un en face. Aux Jeux de Pyeongchang, les pom-pom girls nord-coréennes sont partout sans jamais se faire annoncer. Elles volent la vedette aux skieurs, patineurs ou bobeurs. Elles font le show. A ce jour, aucune d’elles n’a pourtant prononcé le moindre mot en public.
Ultrabrite. Les approcher à moins de quelques mètres vous expose à un échange musclé avec leur escorte de suiveurs. Selon la version officielle, elles seraient 229 à faire la claque et à pousser la chansonnette dans les tribunes. Impossible à vérifier, sauf à les compter une par une à l'occasion de leurs virées aux toilettes des patinoires, où elles se rendent à petits pas par groupes de 40 ou 50. Elles seraient logées à une heure trente de route de Pyeongchang, dans un hôtel vidé depuis leur arrivée de tous ses occupants. A leur disposition, un bataillon de huit bus précédés et suivis en toutes circonstances de motards de la police sud-coréenne.
A cultiver le secret, le régime de Pyongyang ouvre la porte à tous les fantasmes. Qui sont-elles ? D’où viennent-elles ? Il se raconte que ces «reines de beauté» seraient triées sur le volet. Physique exigé : un visage rond, des grands yeux, un sourire ultrabrite. Age : une vingtaine d’années, voire moins, jamais beaucoup plus. Antécédents : exemplaires. Toute appartenance à une famille liée de près ou de loin à un déserteur, ou même à un Japonais, est considérée comme rédhibitoire. Précision : pom-pom girl nord-coréenne n’est pas un job à plein-temps, tout juste une activité de saison. Mais la préparation se révèle d’une exigence maniaque, sans place pour l’à peu près. Anecdote connue : Ri Sol-ju, l’actuelle épouse de Kim Jong-un, le leader du régime, a fait ses classes comme «reine de beauté» à 16 ans.
Facture. Par quel miracle cette armée de majorettes parvient-elle à squatter une tribune entière pour certaines des épreuves les plus convoitées des Jeux de Pyeongchang ? Jeudi, elles étaient plus de 200, assises comme une classe de neige aux meilleures places du match Corée du Sud-République tchèque de hockey sur glace, sur des sièges à 150 000 wons l'unité, soit 113 euros. La rencontre était pourtant sold out depuis des mois, bien avant l'annonce officielle de la présence d'une délégation nord-coréenne aux Jeux. Plus tôt dans la journée, elles avaient glissé leurs élégantes silhouettes dans une patinoire voisine, pour l'épreuve des couples en patinage artistique, avec pour mission d'encourager leurs deux compatriotes, Ryom Tae-ok et Kim Ju-sik. Prix des places : 400 000 wons (302 euros).
Interrogé sur cette énigme de la billetterie, un porte-parole du comité d'organisation des Jeux a pioché dans ses notes pour expliquer que ces places avaient été obtenues grâce à «la collaboration de plusieurs partenaires et organisations». L'argent ? La facture du séjour de la Corée du Nord aux Jeux sera envoyée à Séoul. Le CIO prend à sa charge le voyage des 22 athlètes et de leur encadrement. Le gouvernement sud-coréen paiera le reste, en dégraissant le «Fonds de coopération intercoréen». La note finale pourrait atteindre 1,9 million d'euros. Très chères pom-pom girls.