L’ogre autrichien Marcel Hirscher, déjà vainqueur du combiné et du géant, partira grand favori du slalom, dans la nuit de mercredi à jeudi. L’épreuve, la plus courte des quatre du ski alpin (chacune des deux manches ne dépasse généralement pas la minute), est celle dont la technique a le plus évolué ces dernières années. Il suffit de regarder les vidéos des compétitions de slalom spécial du début des années 80. Les skieurs, même les plus doués techniquement, font le tour du poteau (la porte), coloré en rouge ou bleu, en essayant de l’effleurer seulement de l’épaule, avec un grand travail de hanches. Ils portent un bonnet, parfois un simple bandeau. Certains descendent sans masque.
Le Suédois Ingemar Stenmark en 1978 :
L'Autrichien Marcel Hirscher quarante ans plus tard :
Oubliez tout cela. Le slalom est devenu un sport de combat où les skieurs font de la boxe, souvent à plus de 50 km/h, contre les portes en plastique flexible. D’ailleurs leur physique a changé : plus de muscle, plus de puissance. Elle est loin l’époque d’Ingemar Stenmark, pur esthète de la discipline ; les athlètes exhibent aujourd’hui de lourdes protections aux mains et aux tibias, un casque vissé sur la tête avec souvent une barre de menton pour protéger le visage. Certains enfilent même un protège-dents. C’est grâce à ces protections des tibias et des genoux que les skieurs écartent désormais les portes avec le bras extérieur (par rapport à la porte) alors que, par le passé, ils le faisaient avec le bras intérieur. En effet, les coques leur permettent de s’incliner davantage et de repousser la partie basse de la porte avec les jambes. Ils n’évitent plus les piquets, ils les abattent.
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Les skieurs observent une position plus centrale sur les deux skis, qui sont un peu plus écartés pour garder l’équilibre après chaque choc. Le slalom spécial est devenu un mix fascinant entre danse et boxe, un mélange que les protagonistes doivent mettre en œuvre pour faire basculer les portes en cherchant la voie la plus directe, et donc la plus rapide, vers l’arrivée. La technique de glisse aussi a changé. Désormais, les athlètes essayent de garder les skis le plus à plat possible pour gagner en vitesse, tout en essayant de passer au plus près de la base de la porte. Quand un skieur soulève de la neige, normalement, ce n’est pas bon signe, car utiliser les carres du ski (leurs profils métalliques) pour corriger la trajectoire revient à freiner. Il est clair cependant que, lorsque la pente est raide, dans les murs, les athlètes sont le plus souvent sur les carres. Parfois, pour rester debout, ils posent aussi un poignet – celui qui n’abat pas la porte – sur la neige.
Des skis ingouvernables pour le commun des mortels
Inutile d'essayer de voler des skis à un athlète de la Coupe du monde : l'année dernière à Madonna di Campiglio, en Italie, quelqu'un avait soustrait une paire de skis à Marcel Hirscher, le funambule de la discipline. Dans la Gazzetta dello Sport, l'Italien Stefano Gross avait ainsi commenté : «On ne peut rien faire avec ces skis, même moi je tomberais tout de suite.» Les skis des pros sont en effet complètement différents des modèles disponibles dans le commerce. Les skimen préparent les semelles et les carres selon les retours qui leur sont donnés par les athlètes pour avoir des outils toujours plus rapides, réactifs et nerveux, ce qui les rend ingouvernables pour le skieur du dimanche. Le lendemain, l'équipement de Hirscher avait d'ailleurs été retrouvé devant l'hôtel de l'équipe autrichienne.
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Il est difficile, pour un excellent skieur de slalom, d’être très bon dans toutes les disciplines du ski alpin, car la spécialisation est portée à l’extrême ; elle demande des centaines d’heures d’entraînement et des qualités physiques spécifiques. Cela dit, avec Alexis Pinturault, la France a l’un des meilleurs skieurs polyvalents, comme en témoignent ses victoires en Coupe du monde et sa médaille d’argent à Pyeongchang en combiné, compétition qui additionne les chronos d’une manche de slalom spécial et d’une descente dans la même journée.