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Mauricio Pochettino, le type équipe

L'entraîneur argentin de Tottenham ne supporte pas l'individualisme. Sa méthode : être en communion réciproque avec ses joueurs.
L'entraîneur argentin de Tottenham Mauricio Pochettino, lors du match de Premier League contre Huddersfield à Wembley, le 3 mars. (Photo Ian Kington. AFP)
publié le 7 mars 2018 à 16h12

Mauricio Pochettino construit son identité dans l'esprit d'équipe. Rassembleur, l'entraîneur des Spurs de Tottenham, qui accueillent ce soir la Juventus de Turin en huitième de finale retour de Ligue des champions (2-2 à l'aller), traque tout ce qui créerait la division en son sein. Un soir de match en première division anglaise face à Everton, le goleador de son groupe, Harry Kane, marque un but puis le célèbre seul. Observateur de la scène, Pochettino voit avec stupeur le peu d'engouement autour de son attaquant vedette. Le coach argentin le prend mal, gesticule et convie ensuite ses joueurs à le rejoindre pour fêter le «goal» dans l'union. A Pep Guardiola, qui avait d'ailleurs qualifié Tottenham  «d'équipe d'Harry Kane», Pochettino avait vertement répondu : «C'est irrespectueux pour plein de gens. Il peine parfois à rester à sa place et être un gentleman. Si vous êtes un manager, vous devez faire mieux, être au-dessus de ce genre de commentaires, non ?»

Atypique, l’Argentin a su développer un style aussi léché qu’agressif. Avec le temps, Pochettino tend à fusionner deux philosophies du football, anglaise et latino-espagnole, en la saupoudrant de sa subjectivité. Ce qui fait de lui l’un des entraîneurs les plus novateurs du football moderne. Bien au-delà du terrain, Pochettino s’est construit l’image d’un guide. De l’aveu des footballeurs qui ont pratiqué sous ses ordres, c’est un coach qui vous construit comme joueur mais aussi en tant qu’homme. Le résultat de cette philosophie se lit dans la cohésion qui existe entre lui et ses joueurs et rend ainsi le collectif meilleur.

Intelligence émotionnelle

Avec ses hommes, l'ancien joueur du Paris-Saint-Germain évoque ses enfants, sa vie, l'actualité, des programmes télévisés, aussi… Constamment en connexion, Pochettino manie avec dextérité le fil émotionnel que le lie à son groupe. Son outil ? Sa sensibilité exacerbée. Pour lui, dans la vie ou en football, tout est une question de vibration. Pochettino l'affirme : «La chose la plus importante c'est d'être conscient de la réalité. Il est important que les gens qui travaillent 24 heures sur 24 à mes côtés reconnaissent ma valeur. Cela dépend de ce que mes gars – les gens proches de moi – pensent.» Dans ce registre, il n'a pour équivalent que… Pep Guardiola. Pour ce dernier, la gestion des émotions met à nu un footballeur et, par extension, son collectif.

Cette intelligence émotionnelle, Pochettino l’a cultivée très tôt. Dès ses 16 ans, au Newell’s Old Boys. Sous l’égide d’un certain Marcelo Bielsa, entraîneur-professeur de football et d’esprit, l’ancien défenseur central est intégré dans l’équipe première du club argentin. En 1988, il est le plus jeune du groupe. Par son physique et sa force de caractère, il étonne dès l’adolescence. Pochettino écoute, avance, et s’adapte si vite que ses coéquipiers de l’époque comprennent que rien ne l’arrêtera.

Récolte

Comme coach, celui qui fut un joueur précoce a une obsession : l’éclosion de jeunes talents. Toujours inspiré par Marcelo Bielsa, devenu entre-temps son mentor, l’Argentin privilégie le développement (mais pas trop) de pépites à façonner jusqu’à éclosion. Qualité rare en foot, il prend le temps et ne brûle aucune étape intermédiaire avec ses poulains. Pendant que certains managers mettent leurs dirigeants sous pression, les incitant à délier sans retenue les cordons de la bourse, Pochettino attend, fait mûrir et récolte. Ainsi, naissent les Dele Alli, Harry Kane ou encore Eric Dier que l’on voit fleurir avec Tottenham, l’équipe qu’il dirige aujourd’hui. Les chiffres l’attestent : sur sept saisons complètes d’entraîneur, à l’Espanyol Barcelone, Southampton puis Tottenham, le natif de Santa Fe a aligné cinq fois l’équipe la plus jeune en moyenne sur l’ensemble du championnat.