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Libération
Billet

Ibrahimovic-PSG, les faits par contraste

Zlatan Ibrahimovic, durant le derby entre son équipe des Los Angeles Galaxy et le Los Angeles FC, samedi. (Photo Mark Ralston. AFP)
publié le 2 avril 2018 à 18h28

«Les fans voulaient du Zlatan. Alors je leur ai donné du Zlatan.»

Tout un art : vampiriser la planète foot un week-end pascal alors qu’on est parti en préretraite dans le peu compétitif championnat nord-américain par la grâce d’un talent rendu plus aveuglant encore par les incomparables punchlines du grand Suédois. Les faits : à peine le pied posé sur le sol américain, la nouvelle recrue des Los Angeles Galaxy, Zlatan Ibrahimovic (35 ans), est rentrée en jeu un bon quart d’heure pour mettre les deux buts de la victoire (4-3) face au Los Angeles FC, dont une frappe de quarante mètres (!). Ensuite, il a fait mine de s’excuser :

«Je marque à chaque fois que je rejoins une nouvelle équipe, je ne pouvais pas faire autrement aujourd’hui.»

En mai 2016, il quittait la France et le Paris-SG là-dessus :

«Je suis arrivé comme un roi, je repars comme une légende.»

Il aurait pu dire l’inverse.

Depuis, Neymar a rejoint la capitale. Et le club parisien a perdu au change. Sur tous les plans. Celui de l’incarnation : dans le contexte d’un club parisien né ex nihilo (du moins dans un contexte post-Bosman de libéralisation des transferts, condensant les meilleurs joueurs du monde dans six ou sept équipes) avec l’arrivée des Qataris en 2011, ressemblant par bien des aspects à un décor de théâtre, Ibrahimovic était le visage, la force de frappe marketing, la marque PSG. Celui de l’exigence : à la fois réelle et surjouée, sa mégalomanie a tiré tout le monde vers le haut, de l’intendant à des coéquipiers que le Suédois pressurait jusqu’à la dernière goutte, dans le sens de ses intérêts, il est vrai.

Celui de l’implication et du professionnalisme :

l’Equipe

révélait récemment que l’architecte chargé de la rénovation du Parc des Princes était reparti avec les plans du vestiaire sous le bras, Ibrahimovic l’ayant sommé de repenser sa configuration – il ne voulait pas de coin aveugle, tout le monde devait voir tout le monde de n’importe quel endroit. Celui du sport : le club a toujours atteint les quarts de finale de la Ligue des champions (seul véritable objectif aux yeux de Doha) avec un Suédois qui, faut-il le rappeler, a marqué à chaque tour lors de cette compétition, alors que le Paris-SG s’est fait sortir en 8

de finale depuis, une fois sans Neymar, une fois avec le Brésilien.

Celui du style enfin : la dictature (je sais ce qui est bon pour vous, mes amis) d’Ibrahimovic fut une dictature éclairée, au sens littéral. Elle se manifestait sous nos yeux, un éclat devant les caméras («avant moi, ici, il n’y avait rien»), un arbitre qu’il ridiculise, un coéquipier sommé devant témoins de faire le ménage dans son entourage. Celle de Neymar est secrète, basée sur le non-dit d’un chantage implicite : s’il change d’air, Doha se sera ridiculisé aux yeux du monde. Dans le foot comme partout, c’est le contraste, donc le manque, qui mesure les mérites des uns et des autres.