L’ambiance pourrait considérablement se réchauffer dans les stades français dès la prochaine saison footballistique. A l’issue d’une réunion avec l’Institut national du supportérisme (INS), le 9 avril, la ministre des Sports, Laura Flessel, a annoncé la possibilité d’expérimenter à nouveau l’autorisation des tribunes debout dans les stades. Une évolution notable pour les supporteurs, dont l’expérience des matchs s’en trouverait changée. Du côté des ultras, la grande majorité est favorable à cette possibilité.
«Pour avoir vécu les deux, l'ambiance n'est vraiment pas la même», selon que l'on est assis ou debout, affirme Selim, un jeune Vendéen. S'il n'a pas de club de cœur, cet étudiant de 22 ans multiplie les sorties au stade quand les enjeux et les équipes valent, selon lui, le déplacement. Lors d'un voyage à Berlin l'hiver dernier, il a découvert les tribunes debout du FC Union Berlin, petit club de 2e division, rival du Hertha BSC. «Debout, la concentration n'est pas du tout la même, on est beaucoup plus "focus" sur le match. On n'a pas envie de regarder notre téléphone», assure Selim, qui se rappelle plutôt avoir partagé moult bières avec ses voisins de tribune.
Sacha Houlié, député La République en marche (LREM) de la Vienne mais fervent supporteur de l'Olympique de Marseille depuis une vingtaine d'années, fait partie des parlementaires qui ont fait remonter cette demande par une lettre adressée à Laura Flessel. «Le spectacle, il n'est pas que sur le terrain, assure-t-il, les gens viennent chercher une symbiose.» Il croit fermement que le public tient le rôle de douzième homme. Et assure que ce changement n'éloignerait pas les familles qui viennent de plus en plus nombreuses assister aux matchs. «Il s'agirait d'enlever les sièges dans les virages, des zones traditionnellement réservées aux associations de supporteurs», explique l'élu viennois.
«Des places moins onéreuses»
Car c'est notamment «l'ambiance» que viennent chercher les spectateurs au stade. Sinon, autant regarder les matchs dans le confort du canapé du salon. Une étude de la Ligue de football professionnel (LFP) de 2014 sur les publics des Ligues 1 et 2 souligne que la quête de l'ambiance est la troisième cause de présence au stade pour les supporteurs. L'Association nationale des supporters (ANS) publiait en 2016 un rapport intitulé «Tribunes debout : en France aussi ce doit être possible !». Déjà l'association soulignait que la présence de tribunes sans siège pourrait participer à la hausse de la fréquentation des stades. Ce dispositif permettrait «de mettre en vente des places moins onéreuses, ce qui favoriserait la venue des publics populaires».
Après tout, si le dispositif existe toujours çà et là en Europe, notamment en Allemagne, et permet aux matchs de se dérouler sans incident, pourquoi ne pas le remettre au goût du jour en France ? La possibilité d'assister aux rencontres debout est demandée par différents clubs depuis plusieurs années, le FC Sochaux-Montbéliard en tête. La législation l'avait interdit après une série de drames dans les stades, en particulier celui de Furiani, en 1992. Le club du Doubs s'est d'ailleurs lancé en septembre dernier. Mais de façon officieuse : en 2017, il a inauguré 520 places de tribune dite «active populaire» dans son stade Bonal.
Un certain scepticisme dans les gradins
Tout ce qui fonctionne en Allemagne n'est pas voué à la réussite. Aussi, Selim craint de ne pas retrouver «l'ambiance bon enfant presque familiale» qu'il a trouvée dans les tribunes debout du FC Union Berlin. «Je ne suis pas sûr que tout se passerait aussi bien en France», reconnaît-il. Zakaria, 30 ans, est un supporteur du Paris-Saint-Germain, qui assure être présent en tribune latérale à presque toutes les rencontres au Parc des princes. Il partage le scepticisme de Selim quant à ce changement potentiel dans les gradins. Assister aux matchs debout «ne correspond pas aux habitudes de la majorité des spectateurs français», d'après lui. Ce changement ne concernerait d'ailleurs qu'une partie des tribunes populaires des stades, dont les supporteurs suivent déjà, pour la plupart, les rencontres debout.
«Cette proposition ne devra pas permettre l'augmentation de la capacité des tribunes et devra respecter toutes les normes de sécurité réglementaires», a fait savoir le ministère à la sortie de la réunion avec l'INS. Zakaria, supporteur du Paris-Saint-Germain, ne peut s'empêcher d'être inquiet à la perspective de tribunes sans siège «si aucune mesure n'est prise en amont pour éviter d'éventuels mouvements de foule». D'après lui, la solution serait de placer des garde-corps à chaque rangée.
Mais pour certains supporteurs tels que Sacha Houlié ou Alexandre, un ultra de l’OM, ce changement peut même apporter davantage de sécurité. Etre debout, tous deux en ont l’habitude lorsqu’ils suivent leur équipe dans les stades d’Europe. Alexandre dit en avoir plus qu’assez que les sièges encombrent ses mouvements lors de célébrations géantes. D’après ces deux fans de l’OM, ce sont les fauteuils, à l’origine des chutes lors des mouvements de foule, qui sont dangereux et responsables des gadins dans les gradins.