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Libération
Billet

L’hymne goguenard et intrigant de Katerine, supporteur des Herbiers

publié le 7 mai 2018 à 18h26

Il faut toujours se méfier des amuseurs de talent quand ils reviennent dans les parages de leurs enfantillages. Philippe Katerine est un chanteur qui a l’art du second degré et de la moquerie en sous-pull à col roulé fluorescent et à boudinage surligné. Mais, méfions-nous, car le décalage résiste mal au retour au pays natal.

Au prétexte de la Coupe de France, le fredonneur qui a grandi à Chantonnay, bourgade située à quelques kilomètres des Herbiers, se fait le chantre de la Vendée contre-révolutionnaire de 1793, croix de bois, croix de fer, et que les jacobins et autres Parisiens têtes de chien aillent en enfer.

A la première écoute de son hymne supporteur, on se laisse gentiment abuser par les manières déguisées du dandy pirouetteur et frangé d'autodérision qui est aussi fils de famille catho et tradi. Tout cela semble tenir de la chanson à boire. Et d'ailleurs l'auditeur qui croit que le foot ne peut être que bon enfant quand il s'agit d'un combat si inégal, si perdu d'avance, si folklorique, ne retient que le côté «il a bu son verre comme les autres» de la rime : «Les Vendéens sont pas si fous / Partiront pas sans boire un coup.»

Si on écoute mieux, on découvre bientôt : «Je lève mon verre à tous ces peuples massacrés / Qui n'ont jamais su oublier / La Vendée.» Après cet appel à la fraternité entre «génocidés» contrastés et contestés, on assiste à une dénonciation très politique des couleurs, le rouge communiste et le noir anarchiste, épandues par inadvertance sur le maillot des Herbiers : «Le rouge, le sang de notre ennemi / Le noir, pour notre deuil.» On imagine que tout cela flotterait mieux dans la blancheur d'une aube de communion solennelle avec le sacré-cœur régional en logo poitrinaire. D'où l'envoi final : «Je lève mon verre / Au peuple consacré.»

Evidemment comme le lascar est goguenard, il botoxe son hymne de références malicieuses. Ce n’est plus David contre Goliath, c’est David et Jonathan. Et comme rouge et noir, il y a, il ressuscite Jeanne Mas. Ce qui ne rajeunit que lui.

Il est intrigant de voir comment la maîtrise des codes musicaux et marketing d’une époque de sampleurs et de recopieurs peut cacher une conviction tranchée. Chez Katerine, Frégoli de comédie, la panoplie de marquis failli à l’aristocratie brandie est tout sauf anodine. L’Assurancetourix du bocage est en fait le Déroulède d’une région à la rancune tenace.

Macron est un soutien historique de l’OM. Olympien, le Président ne peut se déclarer pour le PSG chéri par Sarkozy. L’Amiénois du Touquet aurait tout intérêt à faucher Les Herbiers à son nouvel ami De Villiers, l’inventeur du Puy du Fou. Cela lui permettrait une tendre adhésion à une France éternelle, croyante et paysanne, celle de Jeanne d’Arc et du général de Charette. Sans oublier qu’aux Herbiers, le taux de chômage est minimal, entre entraide patronale, paternalisme social et obéissance dure au mal. Loin des «nantis» rouges et noirs de la SNCF.