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Ligue 1 : un outsider espagnol éjecte Canal + du terrain des droits télé

Diffuseur historique du foot français, la chaîne cryptée n’obtient aucun lot. Mediapro, un opérateur ibérique, rafle la mise à la surprise générale.
Mediapro pourrait diffuser huit matchs sur dix. (Photo Michel Maestracci. Icon Sport)
publié le 29 mai 2018 à 20h46

Cette bonne vieille Ligue 1 Conforama, dont on raillait il y a peu encore la ringardise, vaut désormais plus d’un milliard d’euros. L’appel d’offres lancé par la Ligue de football professionnel pour les droits de diffusion du championnat de France des saisons 2020-2021 à 2023-2024 a rendu son verdict mardi : cinq des sept lots mis en jeu ont été attribués pour un montant annuel de 1,153 milliard d’euros. Soit 4,6 milliards sur l’ensemble du contrat. Une hausse de 60 % par rapport à la période en cours, s’est félicité le directeur général de la LFP, Didier Quillot, l’artisan cet incroyable succès. Les prix par lot n’ont pas été détaillés.

Révolution

La grande surprise de ces enchères est l’absence de Canal + parmi les vainqueurs. Candidat sur les sept lots, le diffuseur historique du foot français a été battu sur chacun. Une claque énorme pour l’entreprise dont l’actionnaire de référence est Vincent Bolloré, et qui perd encore un contenu sportif structurant. Il faut prendre la mesure de la révolution en cours : la chaîne qui a construit en partie son modèle sur le ballon rond pourrait ne plus diffuser aucun match de Ligue 1 à partir de 2020.

On dit «pourrait», car le système complexe mis en place par la ligue prévoit que les lots attribués mardi puissent être «sous-licenciés» à des tiers. C'est-à-dire revendus à d'autres. Canal + a donc l'opportunité de revenir par la fenêtre. Dire que la chaîne cryptée sort du jeu semble donc prématuré. Les deux années qui viennent risquent d'être riches en négociations. Canal a d'ailleurs immédiatement réagi en assurant qu'il examinerait «les possibilités de sous-licence» .

Dans l'affaire, c'est le groupe espagnol de production et diffusion Mediapro qui se retrouve au centre du jeu. A la surprise générale, il a décroché trois des quatre meilleurs lots. Propriété du fonds d'investissement chinois Orient Hontai Capital, cette société inconnue du grand public français se retrouve avec les droits de retransmission de huit matchs sur dix à partir de 2020 : les affiches du vendredi soir, du samedi après-midi et du dimanche soir, ainsi que cinq rencontres du dimanche après-midi. «Le projet de Mediapro est d'éditer une chaîne 100 % football, comme ils le font aujourd'hui en Espagne avec la Liga», affirme Quillot. Ils se sont donc engagés à créer une chaîne à l'été 2020, qu'ils auront tout loisir de faire distribuer par les opérateurs classiques, tels Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free ou… Canal +, qui s'est dit prêt à regarder cette possibilité.

«Tournant»

A côté de Mediapro, BeIn Sports sauve à peine les meubles. Le groupe qatari empoche le troisième lot : deux rencontres le samedi soir et le dimanche en fin d'après-midi. Un résultat très, très maigre. Le petit lot numérique, donnant accès à des extraits de la Ligue 1 en «quasi direct», revient à Free. Deux lots mineurs n'ont pas trouvé preneurs. Ils seront bientôt remis en jeu. Ce qui pourrait encore augmenter la valeur des droits. Comme prévu, Altice, propriétaire de SFR (et de Libération), qui a refréné ses ardeurs financières dans les contenus, n'a pas concouru. Quant aux géants du numérique américains, les Facebook, Amazon ou Google, ils n'ont pas non plus pointé le bout de leur nez.

«Canal n'a rien vu venir… C'est incroyable», s'étonne un ancien dirigeant de la chaîne cryptée, parti peu après l'arrivée de Bolloré aux commandes. «C'est un tournant. Nous en avons bien conscience», concède Didier Quillot, qui a longuement remercié Canal + pour son engagement depuis trente-cinq ans, dans une déclaration qui avait des allures d'oraison funèbre. Sourire jusqu'aux oreilles, le président de l'Olympique lyonnais, Jean-Michel Aulas, se réjouit : «C'est pour les clubs et les investisseurs la meilleure nouvelle. Ça va permettre de continuer à investir dans les joueurs, les stades…» Le choix des dirigeants du foot français risque d'être très contesté : en Italie, l'attribution à Mediapro des prochains droits de diffusion du Calcio vient d'être annulée, faute de garanties financières. «Nous sommes très sereins», assure Didier Quillot. Avec un milliard dans la poche, c'est plus facile.