Menu
Libération
Mercato

Antoine Griezmann dribble la presse

Coupe du monde 2018dossier
Tout le monde attendait qu’il annonce s’il reste à l’Atlético Madrid ou s’il part au Barça. L’attaquant vedette des Bleus n’a rien dévoilé.
Antoine Griezmann en conférence de presse à Istra, le 12 juin. (Photo Franck Fife. AFP)
publié le 12 juin 2018 à 16h55

Foule des (très) grands soirs mardi dans l’amphithéâtre de l’hôtel New Jérusalem d’Istra, qui abrite les circonvolutions médiatiques des Bleus durant le Mondial russe (du 14 juin au 15 juillet) : Antoine Griezmann était annoncé et l’attaquant tricolore a un secret. A savoir: son choix de club pour la saison prochaine, la rumeur le faisant hésiter entre l’Atletico Madrid où il évolue depuis 2014 sous la poigne de fer de l’entraîneur argentin Diego Simeone et le très sexy FC Barcelone de Lionel Messi, où Griezmann serait de facto lieutenant de son prestigieux coéquipier.

L’attaché de presse des Bleus passe avant lui : Griezmann se fendra d’une déclaration liminaire sur le sujet, un peu à la façon des entraîneurs de l’Est avant la chute du mur. Puis on passera à autre chose. Murmure dans la salle, où des confrères espagnols se sont tapé des centaines de bornes pour recueillir les mots du joueur: ben, à quoi on sert ? A rien les gars. Mais faut comprendre : l’attaquant de 27 ans s’exprime dans le cadre d’un point presse des Bleus, à quatre jours de l’entrée en compétition de l’équipe de France (à Kazan contre la sélection australienne) et la vie des clubs, ou plutôt la connexion entre ces clubs et les joueurs qui les emploient, est une manière d’ingérence à cet instant dans la vie de sélections qui se battent déjà d’arrache-pied durant l’année pour ne pas perdre les fenêtres temporelles de disponibilité des joueurs que les clubs essaient de leur raboter.

Froid dans le dos

Bref : c'est pas le moment. Dont acte : Griezmann sort deux phrases, «désolé, mais ce n'est pas aujourd'hui que je donnerais ma décision», puis la même en espagnol, puis rideau. On confesse un intérêt limité, voire très limité pour le choix du joueur (il fait ce qu'il veut, on verra bien dans deux mois) mais sur le coup, étrangement, la déception nous a étreints, comme si le père Noël avait oublié de passer. L'intensité médiatique était réelle et après tout le fait qu'un joueur passe d'un club à l'autre conditionne les émotions de centaines de millions de personnes. Peut-être que c'est ça, peut-être que c'est autre chose mais du coup on a eu du mal à s'intéresser à la suite, le joueur étant pourtant venu dire (ou à peu près) que cette équipe de France lancée à la conquête d'un second titre mondial était la sienne puisqu'il était consulté par le sélectionneur à la fois sur le système de jeu et les joueurs. Le sujet du transfert de joueur s'est cependant invité ensuite à deux reprises, malgré les consignes. La première fois a fait froid dans le dos : un confrère espagnol, qui avait manifestement enregistré sa question en espagnol sur un site de traduction en ligne, a collé le micro à son smartphone, lequel a recraché un très métallique et haché «bonjour, je voudrais savoir / dans quel club / vous allez signer / pour l'année prochaine / s'il vous plaît». On s'est cru dans Terminator.

La deuxième fois a été plus subtile, le journaliste espagnol étant expert dans le contournement des interdictions comme sa sélection se joue des défenses regroupées: est-ce que l’indécision ne vous perturbe pas en vue du Mondial à venir, où vous jouerez un rôle central ? Griezmann a répondu : «Il n’y a pas d’indécision. Ma décision est prise. Mais ce n’est ni le moment ni l’endroit.» Et on a cru entendre le sélectionneur des Bleus parler à sa place.