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Libération
Selon une étude

On a découvert un nouveau mécanisme qui explique la sensation de faim

Un nouveau mécanisme cérébral de régulation de la faim vient d’être identifié. Certains troubles alimentaires pourraient ainsi être mieux compris.
Emmanuel Macron en visite dans une pâtisserie à Bobigny, en 2016. (Photo Eric Feferberg. AFP)
publié le 20 juin 2018 à 15h22

Comprendre les mécanismes à l’origine de la sensation de faim est un défi important pour les nutritionnistes. Mais le puzzle est complexe. Deux hormones, la leptine et la ghréline, semblent être les pièces principales. La leptine est produite par les cellules adipeuses. Quand le corps a accumulé trop de graisses, il envoie un message au cerveau pour lui dire d’arrêter de manger. Plus précisément, la leptine remonte dans le sang jusqu’au cerveau et favorise la production d’hormones de mélano-concentration (MCH) dans l’hypophyse, une petite zone de la taille d’un raisin située à la base du cerveau. Ces MCH sont ensuite acheminées vers la région située juste au-dessus de l’hypophyse, l’hypothalamus, et se fixent sur un type de récepteurs bien précis. Une fois que les MCH sont en place, la sensation de faim disparaît. La ghréline joue un rôle antagoniste. Elle est produite par l’estomac et inhibe la production des MCH dans l’hypophyse. Ainsi, les récepteurs de l’hypothalamus restent vides et la sensation de faim grandit.

Cependant, ces mécanismes connus n'expliquent pas tout, et l'origine de certains troubles alimentaires reste incertaine. Une nouvelle pièce du puzzle vient d'être découverte par une équipe de biologistes de l'université de Californie du Sud. Leurs résultats, publiés dans le journal Cell Metabolism, prouvent qu'un autre mécanisme est impliqué dans la régulation de la faim par notre cerveau.

Quelle était la question ?

Le liquide cérébro-spinal est présent dans les quatre ventricules cérébraux. C’est le liquide biologique dans lequel baigne notre cerveau et qui le protège des chocs. Longtemps considéré comme un simple circuit d’évacuation des déchets métaboliques, les neuroscientifiques sont maintenant convaincus qu’il participe à la régulation de certains comportements. Et pourquoi pas la faim ? C’est ce que l’équipe de chercheurs s’est demandé.

Comment les chercheurs ont-ils procédé ?

L’équipe a utilisé des marqueurs fluorescents pour pouvoir observer au microscope les MCH et les cellules tapissant la paroi des ventricules cérébraux chez des rats. Ils se sont alors rendu compte que les neurones de l’hypophyse produisant les MCH n’étaient pas uniquement connectés à l’hypothalamus. Un tiers d’entre eux envoie directement les MCH dans les cellules tapissant les ventricules et donc dans le liquide cérébro-spinal. Les chercheurs sont même allés plus loin et ont pu contrôler la production de MCH de ces neurones spécifiques.

Quels résultats ont-ils obtenus et à quoi ça sert ?

En faisant cela, l’équipe emmenée par Emily Noble a constaté que lorsqu’elle favorisait la diffusion des MCH dans le liquide cérébro-spinal, les rongeurs commençaient à manger. A l’inverse, en diminuant cette diffusion, les rats mangeaient beaucoup moins. Ce résultat montre que la concentration de MCH dans le liquide cérébro-spinal est liée à la régulation de la faim. Ce mécanisme pourrait agir en complément des mécanismes connus décrits plus haut.

Pour la nutritionniste et chercheuse à l'Inserm (qui n'a pas participé à l'étude), Liane Schmidt, cette découverte est un grand pas en avant pour combattre certains troubles alimentaires. «Les personnes obèses, par exemple, ont beaucoup de matières grasses, la leptine devrait réguler la sensation de faim et ils devraient arrêter de manger si l'on en croit ce que l'on connaissait jusqu'à maintenant. Or, ce n'est pas le cas. L'explication réside peut-être dans ce nouveau mécanisme.» Prochaine étape pour les chercheurs : identifier la cause de cette diffusion d'hormones de mélano-concentration dans le liquide cérébro-spinal.