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Libération
Merci de l'avoir posée

Pourquoi l'Arabie Saoudite n'exporte-t-elle pas ses footballeurs ?

Presque tous les joueurs des Faucons sont issus de leur championnat national, et ce depuis le premier Mondial du pays, en 1994.
Salem al-Dossari (ici lors d'un match amical face à l'Allemagne, à Leverkusen, le 8 juin) est l'un des trois expatriés de la sélection saoudienne. (Photo Patrik Stollarz. AFP)
publié le 20 juin 2018 à 16h04

L'Arabie Saoudite ? Une équipe maison, composée de joueurs formés à domicile et qui y restent. Et pour cause, seuls 3 des 23 Saoudiens présents en Russie évoluent dans des clubs étrangers. Déjà, le match d'ouverture de la Coupe du monde faisait figure de paradoxe à l'heure du foot mondialisé en faisant s'affronter deux des équipes qui comptent le moins de sportifs à jouer à l'étranger. Ils sont deux en Russie. Seule l'Angleterre fait mieux, avec aucun joueur expatrié. Il faut dire que peu de clubs sont capables de s'aligner sur les salaires anglais.

Pour la «Sbornaya», surnom de l’équipe russe, c’est un choix sportif de l’entraîneur, qui a privilégié des «locaux». Concernant le groupe saoudien, l’explication est tout autre. Difficile en effet pour Juan Antonio Pizzi, le sélectionneur des Faucons, d’aller piocher dans les championnats étrangers : la quasi-totalité des joueurs saoudiens évoluent en Saudi Premier League.

Zéro exilé saoudien lors des quatre premiers Mondiaux

Le phénomène n'a rien de nouveau. Lors des quatre premières Coupes du monde disputées par l'Arabie Saoudite (1994, 1998, 2002 et 2006), aucun exilé ne figurait sur la liste des 23. Dans toute l'histoire du football saoudien, ils ne sont qu'une grosse quinzaine de joueurs à être partis jouer dans des ligues étrangères. Et encore, dans la majeure partie des cas, il s'agit de prêts courts (généralement un an) dans des pays proches tels que le Qatar ou les Emirats arabes unis. Les bons résultats des Faucons verts sur la scène internationale (huitièmes de finale du Mondial 1994, triple vainqueur de la Coupe d'Asie des Nations 1984, 1988, 1996) n'y ont rien fait. Le footballeur saoudien n'est pas pour autant devenu une denrée recherchée par les recruteurs.

Trois Saoudiens jouant à l'étranger, le chiffre est donc inédit. Il est surtout la conséquence d'une opération particulière : neuf joueurs saoudiens prêtés à des clubs espagnols en vertu d'un accord conclu fin janvier entre l'Autorité sportive d'Arabie Saoudite (GSA) et la Liga, le championnat espagnol. L'objectif ? Pour l'une, aguerrir ses joueurs pour avoir des chances de briller au Mondial qu'elle n'a plus eu l'occasion de jouer depuis douze ans. Pour l'autre, introduire la marque Liga en Arabie Saoudite dans le cadre de son ambitieuse politique d'expansion internationale.

«Le football est le sport le plus populaire en Arabie Saoudite, et grâce à la Fédération saoudienne de football, nous sommes heureux de donner cette chance aux jeunes talents du pays pour atteindre leurs objectifs et jouer au football au plus haut niveau possible. Notre objectif à long terme est de stimuler le football, d'augmenter son niveau dans le royaume et créer une nouvelle génération de footballeurs», déclarait en janvier dernier Turki al-Sheikh, président de la GSA, l'organisme gouvernemental responsable du sport en Arabie Saoudite.

L’échec de l’aventure Liga

Voilà comment des piliers des Faucons comme Fahad al-Muwallad et Salem al-Dossari sont devenus les deux premiers joueurs saoudiens à jouer en Liga. Sauf que ces prêts, dont le coût est partagé entre les clubs espagnols et saoudiens, font finalement grincer des dents dans les deux pays. Les recrues en question ont eu un temps de jeu famélique : deux bouts de rencontres pour l'attaquant Al-Muwallad avec Levante (26 minutes au total) tandis que l'ailier Al-Dossari a pu jouer une demi-heure avec Villarreal contre le prestigieux FC Barcelone. Le milieu offensif gaucher Al-Shehri, l'autre expatrié sélectionné par Pizzi, n'est lui jamais entré en jeu avec Leganés. Sans parler des six autres non convoqués pour le Mondial, qui ont squatté les bancs de Division 1 ou 2.

Des préparations loin d'être efficaces, alors que l'Arabie Saoudite a eu tous les projecteurs braqués sur ses joueurs le 14 juin lors du match d'ouverture contre la Russie (perdu 5-0). L'échec du partenariat en dit long sur les difficultés d'expansion du football arabe, en dépit des tentatives. En Arabie Saoudite, «on a peut-être pu penser qu'ils joueraient plus, mais on a aussi réalisé que le niveau du championnat espagnol était très, très élevé», tente d'expliquer Fernando Sanz, directeur de la Liga pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. La ferveur du pays pour le ballon rond a beau être bien réelle, le fiasco de cet accord plus stratégique que sportif ne devrait pas encourager l'Arabie Saoudite à rouvrir de sitôt son vivier de footballeurs à la planète foot.