Ecce homo. Absent depuis quatre années des points presse organisé dans le cadre des rassemblements tricolores, le milieu de terrain Paul Pogba, seul dénominateur commun des trois buts (2-1 contre l'Australie le 16 juin, 1-0 face au Pérou jeudi) inscrits en Russie par des Bleus déjà qualifiés pour les huitièmes de finale avant le match de mardi contre la sélection danoise, était de service médiatique dimanche. Entrée en scène cinématographique d'un des deux joueurs à s'être présenté devant les micros en casquette (l'autre, c'est Kylian Mbappé) : «Ça faisait longtemps ! Je vous aime tellement… Vous m'avez manqué. Comme vous m'aimez beaucoup, je vous dois la [en m'exprimant] monnaie de la pièce.»
Bon, personne ne lui a manqué en fait et c’est le sélectionneur Didier Deschamps qui l’avait mis au frais par peur du dérapage et l’attitude inaugurale du joueur, manifestement préparée, cachait mal une forme d’incompréhension qui allait perdurer tout du long ; une (brève) zone de frottement entre deux mondes qui se regardent sans se comprendre. La rareté médiatique a fait de Pogba un fantasme, un homme libre dans un monde (le foot) de mensonges et un excentrique agissant à sa guise sur le terrain comme ailleurs.
Dimanche, il a expliqué sans rire qu'il n'y avait pas d'ego en équipe de France (rien que lui…), que le Danemark «avait une très belle équipe, avec des joueurs de qualité», que ceux qui trouvent Antoine Griezmann un peu juste ont «tout faux» (Deschamps a donc tout faux aussi, puisqu'il a remplacé le Madrilène deux fois en cours de match) et que non, ses passages sur le banc des Bleus ne l'ont pas touché.
Griezmann raconte pourtant que leur courte mise au placard durant un Euro 2016, le temps d’une mi-temps contre l’Albanie, a profondément éprouvé – et lié durablement – deux joueurs n’ayant jamais joué en France ou presque durant leur carrière, et ayant reçu de plein fouet l’énorme pression d’une compétition organisée à domicile.
Il fallait donc en prendre un peu, et en laisser beaucoup. Ce que l'on a découvert : Pogba est obsédé, voire fragilisé, par le regard des autres. Sur son côté show off : «En Europe, tu n'as pas le droit de jouer au foot après t'être coupé les cheveux. Quand je jouais [adolescent] à l'US Torcy, on mangeait un sandwich grec avant les matchs et on gagnait 6-0. Ici, quand on te voit danser [sur Instagram] et que tu perds derrière, ça devient un problème.» Avant ça : «Le transfert à Manchester United en 2016 et les 100 millions dépensés pour m'avoir ont été importants, un vrai tournant. Depuis, tout le monde est sur moi. En fait, c'est là que ma vie a complètement changé.»
Le lapin pris dans les phares de la voiture ? On est loin de cette aura de révolte et de brillance qu’on lui prêtait (nous les premiers) à distance. Mais c’est le moment de se souvenir que cet éclat prenait sa source sur le terrain et pas ailleurs, la leçon du jour étant qu’il a vocation à y rester. Pour le reste : laissez-le vivre.