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Libération

Allemagne, le rouleau compressé

Enorme sensation à Kazan : les champions du monde, fébriles, quittent la Coupe du monde dès la phase de poules, après une défaite 0-2 face à la Corée du Sud. Le Mexique et la Suède passent en 8e.
L'attaquant Mario Gomez,(à gauche) et le défenseur sud-coréen Yun Young-sund à la fin du match, mercredi, à Kazan. (Photo Luis Acosta. AFP. )
publié le 27 juin 2018 à 20h46

Et l’Allemagne a perdu. Tout. Aussi inimaginable que cela eut pu paraître avant le début de la compétition, les hommes de Joachim Löw ne verront pas les huitièmes de finale du Mondial. Pour mesurer la portée de l’événement, il faut se retourner pour constater que dans l’histoire du foot allemand, la Mannschaft n’avait plus été sortie dès le premier tour d’un mondial depuis quatre-vingts ans. Jamais elle n’avait perdu contre une sélection asiatique en compétition officielle, en cinq confrontations. Une surprise colossale, d’autant que l’Allemagne, championne du monde en titre, faisait partie des sélections favorites, à la conquête d’un doublé inédit pour le pays.

Illusion. Déjà miraculée après son succès au bout du suspense face à la Suède lors de la deuxième journée, l'Allemagne n'a pas réussi à rééditer pareil exploit sur la pelouse de Kazan. Contre des Coréens valeureux mais loin, très loin d'être imbattables, les coéquipiers de Toni Kroos se sont heurtés à une défense resserrée pendant quatre-vingt-dix minutes. Puis vint le temps additionnel où les Allemands, d'habitude si dangereux, se font prendre à rebours deux fois. 0-2 et rideau sur quatre années faites de transition et d'incertitudes, où seule une victoire en Coupe des Confédérations 2017 aura entretenu l'illusion que cette équipe possédait les vertus pour l'emporter un an plus tard.

Difficile en revanche de prévoir une sortie si précoce. Il y a certes eu cette élimination sans briller face aux Bleus en demi-finale de l’Euro 2016, ces matchs de préparations inquiétants marqués par une série de cinq rencontres sans victoire, dont une défaite 1-2 contre l’Autriche. Mais le parcours impeccable des éliminatoires (dix victoires en dix matchs) laissait penser que la sélection allemande rejoindrait au moins les quarts. Une statistique pourrait permettre d’expliquer le naufrage allemand. Durant le tournoi, l’Allemagne n’a inscrit que deux buts… en 72 tentatives. Soit un ratio de 3%, le plus faible de la compétition après le Costa Rica. Son efficacité, qui faisait d’elle une équipe si redoutable par le passé, sera sûrement l’une des carences à prendre en compte, à l’heure de tirer les enseignements d’une telle désillusion.

Reste désormais à savoir comment la Mannschaft peut repartir de l’avant. Avant le début de l’ultime match, la Fédération allemande de football assurait que Joachim Löw, en poste depuis 2006, resterait à la tête de la sélection quoi qu’il arrive. Mais avec quelle équipe poursuivre désormais ?

En Allemagne, les deux adjectifs décrivant le mieux les réactions après cette élimination surprise seraient : choqués et déçus. C'est «une honte historique», écrit le Spiegel. «Ce n'est pas notre Mondial. Que c'est triste ! Mais il y aura bien d'autres compétitions qui nous donneront des raisons de nous réjouir», veut espérer le porte-parole d'Angela Merkel, Steffen Seibert, tandis que la ZDF écrit dans son blog : «Le 27 juin 2018 va entrer dans l'histoire du football allemand.»

Le Bild, avec son habituel style brutal, pose d'ores et déjà la question de la démission de Joachim Löw. «Que dit Jogi de son avenir ?» titre le tabloïd tandis que ce dernier, lors de la conférence de presse d'après-match, n'excluait pas une telle hypothèse, assumant «la responsabilité» de la défaite. Il dit simplement vouloir se donner un peu de temps de réflexion.

«Très amer». Le défenseur central Matt Hummels parle, lui, d'un «jour très amer», ajoutant cette phrase qui fait beaucoup parler d'elle : «Le dernier match convaincant que nous avons joué, c'était en 2017.»

Le président de la Fédération allemande de football, Reinhard Grindel, parle d'une «déception infinie», tandis que, chez les politiques, le vice-président social démocrate du Bundestag, Thomas Opperman, tweete : «Cette défaite était méritée. […] Qui a vu courir les Mexicains et les Sud-Coréens sait pourquoi nous avons perdu. Maintenant, reconstruisons tout, radicalement.»