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Libération

Du rêve à l’imprévisibilité

par Felipe Saad, défenseur brésilien
publié le 27 juin 2018 à 20h26

Chaque jour, une personnalité de la culture ou du sport commente le Mondial. Aujourd’hui, le joueur brésilien Felipe Saad.

Les lecteurs sont prévenus : il faudra peut-être lire deux fois ce modeste papier. La Coupe du monde russe arrivera samedi à ce stade où débuteront les matchs à élimination directe, incitant à un premier bilan.

Pendant les mois qui ont précédé le tournoi, les amateurs de foot ont rêvé de sublimer leur regard avec cette sélection sud-américaine au légendaire maillot blanc et bleu, double championne du monde par le passé. Ils étaient persuadés qu’avec cette ligne d’attaque de classe mondiale et un des tout meilleurs joueurs de la planète au beau milieu, elle finirait en tête de son groupe du premier tour.

Ces mêmes amateurs de foot voulaient également voir cette superbe équipe européenne qui prône la possession du ballon comme s’il s’agissait d’un précieux trésor. Ses joueurs ultra techniques et des buts soignés étaient attendus par tous les fans avec, surtout, ce petit génie au milieu du terrain, maintes fois sacré avec son club espagnol, ainsi que ses athlètes du FC Barcelone et du Real Madrid au sommet de leur art.

Et que dire de cette troisième équipe attendue, sud-américaine elle aussi, accompagnée d'une ambiance à nulle autre pareille et de stades remplis de supporteurs latins avec leurs maillots jaunes si reconnaissables ; les chants, les cris de guerre, les accolades typiques de ce peuple festif… Mais surtout, ce jeu ultra spectaculaire et ces soirées «Joga Bonito» («beau jeu») ponctuées par des victoires confortables 3-0. Cerise sur le gâteau : les célébrations après les buts, décalque culturel et ludique des danses de leur pays, exportées ainsi aux yeux du monde.

Alors voilà : à qui avez-vous pensé ? A l’Argentine de Lionel Messi, à l’Espagne et son jeu de possession et au Brésil de Neymar. Il faut tout relire en changeant les noms des pays : je pense à l’Uruguay d’Edinson Cavani, à la Croatie de Luka Modric et à la Colombie, merveilleuse (3-0) contre la Pologne dimanche.

Toute l’imprévisibilité de ce Mondial sur un bout de papier. Dommage que ce ne soit que tous les quatre ans. A partir de ce week-end, lorsque les yeux seront braqués sur l’écran pour les huitièmes de finale, il y aura certainement ces instants suspendus, éphémères et inoubliables. Où l’on focalisera notre attention sur un homme et un seul en l’isolant de tout le reste, ceux qui l’entourent, le contexte. Le geste réalisé par cet homme sera si important, si lourd d’enjeux, qu’il restera sûrement marqué dans nos esprits. Vous pensez à un but décisif. Moi non. Désolé. Je parle de l’assistance vidéo et du moment où l’arbitre du match est devant l’écran. Vous relisez ?