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Libération
Coupe du monde

Pour les Bleus, une qualification en vitesse face à l'Argentine

Au terme d'un match débridé, l'équipe de France a dominé l'Argentine 4-3, grâce notamment à un doublé de Mbappé.
Kylian Mbappé célèbre son deuxième but, le quatrième des Bleus lors du huitième de finale face à l'Argentine. (Photo AFP)
publié le 30 juin 2018 à 18h04
(mis à jour le 30 juin 2018 à 18h05)

Poussifs depuis trois semaines qu’ils crapahutaient sur le sol russe, les Bleus ont fait exploser le couvercle samedi à Kazan contre l’Argentine en 8e de finale, ventilée (4-3) dans la capitale tatare dans des proportions qui, à la vue du match et non du CV rutilant des joueurs tricolores, auraient pu être plus larges. Il faut dire que les Sud-Américains ont commis une erreur mortelle, qu’aucune sélection n’avait faite jusqu’ici face à Antoine Griezmann et compagnie: offrir des espaces à l’équipe de France. Les laisser courir. Et là…

On peut penser ce que l’on veut de cette équipe argentine 2018, un grand bordel où plus personne ne sait qui fait quoi si on lit les gazettes, mais ces types-là ont du cran: alors qu’on les imaginait vieillissant, confits dans une stratégie d’attente tombant sous le sens tant la chaleur écrasait le supporteur qui marche (et à plus forte raison le footballeur qui court), ils se sont installés dans le match en patrons, monopolisant le ballon, jouant haut sur le terrain comme les vice-champions du monde qu’ils étaient encore samedi matin.

Seule concession au pragmatisme: Gonzalo Higuain et Sergio Aguero sur le banc c’est-à-dire une équipe sans avant-centre, avec deux attaquants de côtés pour écarter la défense des Bleus et agrandir géographiquement l’espace vital de Léo Messi. A l’épreuve du terrain, cette stratégie expansionniste n’a pas tenu un quart d’heure: le temps pour Antoine Griezmann de mettre sur la barre (9e) un coup franc concédé par une défense sud-américaine aux abois sur une accélération de Kylian Mbappé. Puis une redite, le gamin qui part à trente mètres de son but en laissant sur place la moitié de l’équipe argentine pour se faire plaquer à la tête (!) par Marcos Rojo. Pénalty, Griezmann encore (1-0, 13e) et les Bleus aux commandes. Une autre percée de Mbappé (Paul Pogba à l’ouverture) a déchiré la défense adverse, faute encore, carton jaune encore et le coup franc de Pogba qui passe à quelques centimètres (20e).

Dans le gotha

A lui seul, l’attaquant parisien a alors basculé l’Albiceleste par-dessus bord. Au-delà d’un 8e de finale de Coupe du monde, un sentiment à part, un peu solennel: l’irruption d’un joueur non pas au plus haut niveau, ça fait longtemps qu’il y est, mais dans le gotha mondial des cinq, dix joueurs capables de gagner un match pareil. Tactiquement, les Bleus avaient imaginé un fusil à deux coups: une fusée prend l’espace (Mbappé ou Griezmann, mais Blaise Matuidi a aussi pris sa part) et un joueur calibre son ouverture pour lui mettre le ballon dans la course, ce qui nécessite beaucoup de précision technique de la part du passeur. Pogba tenant le plus souvent le rôle, le jeu tricolore a tenu tout seul.

Autant dire que Griezmann et consorts étaient sur des rails. Dont ils allaient sortir de la façon la plus sotte qui soit, la plus inattendue aussi au regard de l’ADN prudent de l’équipe du sélectionneur Didier Deschamps: Angel Di Maria reçoit le ballon à 30 mètres du but et personne, mais alors personne, n’a le moindre regard pour lui. Du coup, l’attaquant parisien, invisible jusqu’alors, a avancé comme dans son salon, avant d’allumer du gauche pour mettre les vice-champions du monde à hauteur (1-1, 41e). Score de parité aux citrons et le public argentin, qui n’espérait plus rien de rien, qui se retrouve à chanter à en faire trembler les tribunes.

Equipe de beatniks

Les Bleus sont revenus sur le terrain doucement. Très, très doucement. Benjamin Pavard s’est fait rouler dans la farine à droite par Di Maria, coup franc, Messi qui se joue de son garde du corps N’Golo Kanté et qui a la bonne fortune de voir sa frappe contrée dans les filets tricolores par Gabriel Mercado, complètement oublié par les défenseurs tricolores lui aussi (1-2, 48e). Les Bleus n’ont pas paniqué: accélération du jeu de passes, poussées des défenseurs latéraux sur les ailes pour étirer le bloc adverse; ça n’a pas traîné. Matuidi pour l’arrière gauche Lucas Hernandez sur la gauche dont le centre dévié trouve l’autre arrière latéral, Pavard, lequel se rattrape et couche le gardien argentin Franco Armani (2-2, 58e) dans l’herbe fraîche d’une reprise en pleine lucarne. Qu’est-ce qu’on peut en dire?

Une vraie équipe de beatniks sous le ciel russe, où les défenseurs attaquent mieux qu’ils ne défendent: Hernandez reprend du service à gauche et Mbappé, sorti un (court) instant du jeu de massacre dont il fit l’objet de la part des Argentins, croise sa frappe du gauche sous le ventre d’Armani, pas très clair (3-2, 64e). Le chef-d’œuvre est à venir: une extraordinaire remise de Griezmann dans le rond central débride Matuidi, qui débride à son tour Olivier Giroud devant lui, qui lance Mbappé, lequel n’a aucun souci pour gagner son face-à-face avec le portier adverse (4-2, 68e). Rentré en cours de match, Aguero réduisit la marque sur un énième oubli défensif tricolore (4-3, 93e). Mais c’était un jour pour attaquer, cavaler, s’enivrer de ce qu’il y a à prendre. Pas pour compter ses billes. Au vrai, les Argentins avaient l’ambition, la posture, peut-être même le savoir. Mais ils n’avaient pas les jambes, ni le talent, et certainement pas l’appétit. Et ils n’avaient pas Mbappé non plus.