Menu
Libération
malchance

Les Anglais déterminés à briser la malédiction des tirs au but

Coupe du monde 2018dossier
En Coupe du monde, les «Three Lions» ne sont jamais sortis vainqueurs d’une séance de pénos. Pour conjurer le mauvais sort, ils ont travaillé l’exercice comme jamais.
L'Anglais Harry Kane auteur d'un triplé contre le Panama, dont deux penalties, le 24 juin 2018 à Nijni Novgorod (Photo Martin Benetti. AFP)
publié le 3 juillet 2018 à 15h45

Deux mines sous la barre du gardien panaméen Penedo. Au moment de tirer ses deux penalties, le meilleur buteur de la compétition, l’Anglais Harry Kane (5 buts), n’a pas fait dans le détail lors de la correction 6-1 infligée au Panama. Les transformer durant un match de poule déjà plié, c’est une chose. Le faire dans un match à élimination directe, c’est mieux. Dans une séance de tirs au but, c’est vital. Or, à mesure que la sélection anglaise avance dans ses tournois, une sorte de spectre aux airs de barrière maléfique semble recouvrir la surface de réparation, à l’instant même où s’élancent les joueurs anglais, passées les 120 minutes de temps réglementaires.

Visez un peu : depuis 1990, les «Three Lions» se sont fait sortir six fois à l'issue de la séance des tirs au but en compétition internationale. Trois en Coupe du monde (1990, 1998 et 2006), trois autres à l'Euro (1996, 2004 et 2012). Record all-time pour une sélection. Et un scénario clairement envisageable à l'heure d'affronter la Colombie ce mardi soir au stade du Spartak Moscou (20h). Sachant que depuis leur victoire au Mondial 1966, la moitié des matchs à élimination directe des Anglais dans la compétition (7 sur 14) sont a minima allés jusqu'en prolongations, le sélectionneur Gareth Southgate et la Fédération anglaise (FA) ont décidé de se focaliser à fond sur l'exercice des tirs au but.

Tests psychométriques

Selon le Telegraph, l'instance nationale a épluché les analyses détaillées afin de comprendre la raison de tels échecs successifs. Et pas que dans l'équipe A : en incluant les moins de 21 ans et les équipes féminines, le ratio n'est que de deux séances victorieuses sur les 14 dernières disputées.

La FA, par l’intermédiaire de son directeur Dan Ashworth, a donc décidé d’instaurer des tests psychométriques afin d’aider le staff à décider quel joueur est le mieux en capacité de tirer à l’instant T. Ces tests, déjà en vigueur dans certains clubs, y compris parmi les équipes jeunes, ont été effectués auprès des 23 joueurs anglais à St George’s Park, le Clairefontaine made in England. Gareth Southgate, lui-même tireur malheureux lors de la séance de tirs au but en demi-finale de l’Euro 1996 contre l’Allemagne, s’est pleinement investi dans ce travail. La Fédération a même eu recours à des jeux destinés à gérer la pression, telle une partie de golf entre équipes de cinq, l’une ayant pour but de déconcentrer l’autre au moment de putter sur le green. Une idée issue de l’époque où Southgate entraînait les moins de 21 ans.

«J'ai eu deux décennies [depuis son tir raté, ndlr] pour y réfléchir. Avec le staff, nous avons évalué les compétences individuelles, techniques. Puis nous avons élargi au collectif, en travaillant sur la meilleure manière d'aborder un tir au but, détaille Southgate. Nous voulons faire en sorte qu'il y ait une sérénité totale, que ce ne sont pas juste des décisions prises sur le moment, et qu'il n'y ait pas d'élément extérieur qui vienne perturber les joueurs.»

De ces observations, il en ressort un constat : les joueurs anglais tirent plus vite que n’importe qui et devraient ralentir leur préparation. Pendant les entraînements, l’accent a donc été mis sur ce point précis, les tireurs devant freiner le pas entre la ligne médiane et le point blanc à l’intérieur de la surface. Le sélectionneur de 47 ans, qui a connu une autre élimination cruelle au Mondial 1998 (défaite contre l’Italie 2-2, 4-3 tab), a déjà établi une liste de 1 à 23 joueurs, modulable selon le contexte et les scenariis de chaque rencontre.

La Colombie est prévenue

«Je pense que Gareth Southgate connaît les joueurs qui sont confiants dans ces circonstances. Je serais prêt à aller de l'avant… Ce n'est pas du hasard. Ce n'est jamais le hasard, assure l'attaquant de Manchester United Marcus Rashford. C'est une compétence, et chacune nécessite du temps pour être apprise et perfectionnée. C'est une compétence simple, mais il s'agit d'être capable de l'exécuter avec la pression qui l'entoure.»

Même Ashley Young, tireur malheureux lors de la séance perdue contre l’Italie en quart de finale de l’Euro 2012 (0-0, 2-4 tab), affichait une mine déterminée lundi en conférence de presse d’avant-match : «Si on en arrive aux tirs au but, je serai le premier à lever la main pour y aller.» Il semble qu’il doive néanmoins passer après Harry Kane, dont «les penalties sont inarrêtables», selon les mots du portier anglais Jordan Pickford. La Colombie, qui n’a jamais connu une séance de tirs au but en Coupe du monde, est prévenue. Si elle veut voir les quarts, elle devra s’imposer avant la fin des prolongations. Ou prier pour que la malédiction des tirs au but s’acharne une nouvelle fois sur les Anglais.