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Libération
Récit

Oscar Tabárez, la Celeste a son pilier

Le coach uruguayen, à la tête de l’équipe depuis 2006 après un premier passage entre 1988 et 1990, a réformé de fond en comble le football de son pays.
publié le 5 juillet 2018 à 19h46

Cheveux argent, mine à la Droopy, éternellement cravaté, Oscar Tabárez a tout du latin lover vieillissant. Un visage qui marque, sans qu'il soit forcément possible, de ce côté de l'Atlantique, de lui coller un nom. Mais que l'on voit réapparaître tous les quatre ans : «Ah oui, c'est l'entraîneur de l'Uruguay.» Chez lui, il est bien plus que le coach de la sélection nationale. Une institution. Un pan de l'histoire de la Celeste, déjà présent sur le banc entre 1988 et 1990. La Fédération uruguayenne s'en est de nouveau remise à lui seize ans plus tard, après l'élimination du pays en barrage d'accession au Mondial allemand, en 2006. L'absence de trop, après deux éditions manquées en 1994 et 1998. En Russie, les Uruguayens participent à leur troisième Coupe du monde de rang, du jamais-vu depuis quarante-quatre ans. Tabárez a fait de la Celeste une candidate récurrente au titre suprême. Une quatrième place en 2010, un huitième en 2014, sans oublier la Copa América en 2011 : le palmarès de l'ancien instituteur est d'autant plus flatteur qu'il a ravalé la façade de tout le foot uruguayen depuis son retour aux affaires.

«Durant les trois ou quatre années sabbatiques que j'ai connues dans ma carrière, j'ai beaucoup réfléchi aux causes du déclin de l'Uruguay et à la façon dont on pouvait à nouveau intégrer le pays dans le football moderne, malgré ses caractéristiques démographiques et un nombre de licenciés beaucoup plus faible par rapport aux autres puissances», expose le technicien de 71 ans. «El Maestro» a donc orchestré une philosophie qui ne s'arrête pas qu'au jeu pur, ni même aux seuls joueurs de la sélection. Du champion national Peñarol au plus minuscule des clubs amateurs, tout le football uruguayen s'est retrouvé dans un processus de transformation à tous les étages, guidé par des valeurs de sacrifice, d'estime de soi et une même approche du jeu. De quoi se réconcilier avec un peuple de nouveau dévoué à la fortune de ses 23 joueurs.

Avec Tabárez, la garra charrua, ce jeu physique et rugueux, s'est adaptée au foot moderne. La Celeste n'a pris qu'un but depuis novembre, contre le Portugal en huitième. Un chiffre qui illustre tout le travail accompli par Tabárez, 196 matchs à la tête de l'équipe : «Ce qui fait la différence, c'est l'implication incommensurable de tous nos joueurs. Cela fait partie du football tel que nous le concevons.» Peu importe le spectacle, seule la victoire est belle. «Si c'est ennuyeux et qu'on gagne, on ne se plaindra pas», évoquait-il avant le match face au Portugal, appuyé sur sa traditionnelle béquille, conséquence du syndrome de Guillain-Barré dont il est atteint. Il n'a pas changé de philosophie à l'heure d'affronter les Bleus.