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Portrait

Avec Alisson, le Brésil a trouvé son gardien du temple

A quelques heures d'affronter le Belgique en quart de finale du Mondial russe, la Seleção a trouvé dans le portier de la Roma un rempart digne de ce nom. A 25 ans, le joueur s'est autant imposé en club qu'en sélection.
Le gardien brésilien de la Roma Alisson avait écoeuré les attaquants de l'Atletico Madrid, lors du match aller de Ligue des champions, le 12 septembre 2017 au stade olympique (Photo Filippo Monteforte. AFP)
publié le 6 juillet 2018 à 15h43

Il est 17h50, lundi, à la Samara Arena. Le Brésil vient tout juste de rallier les quarts de finale de Coupe du monde pour la 7e fois d'affilée en écartant le Mexique (2-0). Sur le terrain, la joie tout en retenue d'Alisson Becker, la tête à peine relevée pour applaudir, contraste nettement avec l'allégresse de Neymar qui ne manque pas une accolade avec ses coéquipiers. Dans une Seleção au jeu rythmé et dynamique, menée par une large palette de stars dont les moindres actions font grand bruit, le calme permanent qu'affiche Alisson Becker (30 sélections) est vital pour la stabilité du groupe auriverde.

Ce même flegme qui lui a permis de faire fi des médias brésiliens, inquiets de voir leur gardien numéro 1 jouer si peu lors de sa première saison à l’AS Roma (2016-2017). Resté braqué sur sa saison de transition où les rencontres d’Europa League et de Coupe d’Italie sont ses uniques occasions de convaincre le coach, Luciano Spalletti, le gamin de Novo Hamburgo finit par gagner sa place de titulaire aux dépens de Wojciech Szczesny. Le successeur de Spalletti sur le banc de la Roma, Eusebio Di Francesco, le propulse titulaire dès août 2017. Bien lui en a pris. Cette saison en Serie A, le portier brésilien affiche un pourcentage d’arrêt proche de 80%. Seuls deux autres gardiens (Ter Stegen et Oblak) ont réussi à faire mieux dans les cinq grands championnats européens. A cela s’ajoutent dix-sept clean sheets (matchs sans encaisser le moindre but) en 37 apparitions : un bilan plus que positif bonifié par des matchs références, toujours bienvenus sur le CV d’un gardien. En l’occurrence, pour Alisson, une prestation incroyable contre le Chakhtar Donetsk en phase de poules de Ligue des champions, qui n’a pas été sans conséquence sur la présence surprise de la Roma en demi-finale de la compétition.

S’il y a bien un domaine où Alisson impressionne, c’est sur sa ligne. Son mètre quatre-vingt-treize lui permet de se déployer dans les airs mais ne le gêne pas quand il faut se coucher rapidement pour sortir les ballons à ras de terre. Surtout, le triptyque science du placement-énorme envergure-rapidité de réaction le rend souvent écœurant pour les attaquants adverses, de loin comme de près avec des réflexes hors-norme. Seul bémol : sa tendance à rester collé entre ses deux poteaux qui le rend encore perfectible sur coup de pied arrêté et dans son jeu au pied.

«Talent naturel»

«Ce qui m'impressionne chez lui, c'est de voir avec quelle efficacité il résout des situations extrêmement dangereuses.» Les louanges sont de Gianluigi Buffon, autant dire d'un connaisseur. «C'est un gardien qui lit le jeu, il est très froid et commence à avoir une technique de base importante», remarque Di Francesco, dans des propos relayés par le site officiel du club. «En cette année et demie de travail, il a pu affiner beaucoup sa technique de travail. Mais son talent est naturel, on ne peut pas améliorer le talent, ou bien on l'a ou bien on ne l'a pas.» 

Ce n’est pas l’académie du SC Internacional qui lui donnera tort. Débusqué par le centre de formation du club brésilien à l’âge de 10 ans, Alisson s’est calé dans les traces de son frère Muriel, de cinq ans son aîné et passé par les équipes jeunes du club. Au point de prendre sa place en tant que titulaire, à 21 ans, une fois Muriel transféré pour Caxias. En quatre saisons avec l’équipe première, Alisson y a notamment remporté le titre de Campeonato Gaúcho (le championnat du Rio Grande do Sul, une compétition annexe de football qui réunit les clubs de l’Etat du Rio Grande do Sul) à quatre reprises.

«J'ai joué avec Alisson durant deux années, c'est un très grand gardien avec peu de défauts. Je suis convaincu qu'il fera de grandes parades, s'enthousiasmait Dida, son prédécesseur auriverde et ancien partenaire à l'Internacional, au micro de Sky Sport en 2017. Je lui avais dit qu'il arriverait en sélection à l'époque. C'est un grand gardien. En Italie, désormais, il apprend et progresse encore plus.» L'ex-gardien mythique du Milan AC n'est pas le seul à louer les qualités d'Alisson. D'autres aînés prestigieux abondent dans le même sens. «La Roma a très bien fait de l'acheter», acquiesçait Doni, 10 sélections avec la Seleção et autrefois rempart du club de la Louve (2005-2011), à l'occasion de l'arrivée d'Alisson à l'été 2016. Le légendaire Cláudio Taffarel, champion du monde 1994, garantit que ce dernier «peut devenir le meilleur gardien du monde». Taffarel, 101 capes, sait de quoi il parle : en charge de la formation d'Alisson avec la sélection, il a assisté de près à son ascension, de ses débuts compliqués avec le Brésil (élimination dès le premier tour de la Copa América en 2016) au parcours réussi en éliminatoires du Mondial 2018.

«Rêve d’enfance»

Au lendemain de la victoire contre le Mexique, peu de remarques sur sa prestation aboutie en dépit des assauts mal assurés de la Tri. Mais beaucoup de questions insistantes sur les rumeurs de transfert à Chelsea et au Real Madrid de celui qui pourrait devenir le gardien le plus cher de l'histoire du foot, les sommes évoquées atteignant les 70 voire 80 millions d'euros (le record est détenu jusque-là par Gianluigi Buffon et son transfert à la Juventus en provenance de Parme à hauteur de 54,1 millions d'euros en 2001). «J'ai un contrat avec la Roma et je suis très heureux de la période que je vis, je suis ravi de pouvoir vivre mon rêve d'enfance [jouer avec le Brésil, ndlr]. Je travaille dur pour accomplir ce rêve. Je suis focalisé sur la période que je vis avec la sélection. Depuis le début de la saison, je pense à ce moment», a joliment évacué Becker. Il ne pourra pas le faire éternellement. Et une victoire contre la Belgique aujourd'hui (20 heures) ne devrait pas briser le brouhaha ambiant autour de lui.