Dion Smith, ce modeste qui porte le maillot à pois du Tour de France, a partagé une photo de plongeon pour égayer son compte Facebook. Il y a douze mètres de vide à vue de nez et il écarte ses bras comme aux JO. La photo a été prise il y a quatre ans, dans le nord est de la Nouvelle-Zélande, dans la baie des Ecrevisses. Derrière lui, il y a un gars dubitatif, les mains sur les hanches.
Mardi, le «Kiwi» de 25 ans s'est jeté dans le sprint massif à l'arrivée de la quatrième étape du Tour à Sarzeau (Morbihan). Il finit 9e, assez loin derrière le vainqueur, le Colombien Fernando Gaviria (Quick-Step), un nouveau visage de l'épreuve, comme lui. Il n'a pas eu à se battre pour conserver son maillot de meilleur grimpeur, alors il a fait le sprint à l'arrivée.
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«Je ne savais même pas à quel point ce maillot était important», découvrait «Smithy» dimanche. La veille, il a commencé à marquer des points dans les côtes grâce à une échappée au bord des plages vendéennes. Dimanche, il a fait un sprint sur un micro-Tourmalet : une côte d'un kilomètre à même pas 4 % de pente, entretenant la tradition des maillots à pois davantage attaquants que grimpeurs. On dirait qu'il tombe de la lune et qu'il s'est réveillé dans un champ. L'image cumulée du coureur-surfeur de l'hémisphère Sud, qui kiffe autant qu'il souffre, l'innocence de celui qui vient de loin, un exotisme dont le Tour raffole et se shampouine pour sentir bon. On ne le connaît pas mais il tombe à pic.
Début 2017, il a failli arrêter le vélo. Son équipe, One, venait de descendre de deuxième à troisième division mondiale. Son agent lui a conseillé de continuer à s'entraîner pour les championnats de Nouvelle-Zélande. Smith espérait gagner pour trouver un nouvel employeur. Il ne termine que troisième. Il raconte au site Develo comment il s'est dit que sa carrière était cuite : il range son matériel, essaie de se changer les idées et part dîner avec sa copine. «On a mangé des plats chinois, dans une tente quelque part sur la côte Est, quand mon téléphone a sonné. C'était mon agent…» L'équipe belge Wanty-Groupe Gobert (deuxième division) lui fait une offre de deux ans. Remplacement au pied levé du Néerlandais Lieuwe Westra, qui venait de déchirer son contrat sous le coup d'une dépression, et qui écrira ensuite un livre-confession avec du dopage et plein de choses tristes dedans. Dion Smith apporte l'antidote. Un mec content. Six mois plus tard, il participe à son premier Tour de France. Un an et demi plus tard, il est maillot à pois, premier Néo-Zélandais à gagner une tunique distinctive sur l'épreuve : «Je crois que c'est énorme.»