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Cyclisme

Sur le Tour, une pluie de favoris

Tour de France 2018dossier
Si le Belge Greg Van Avermaet a conservé le maillot jaune à l’issue de la 6e étape (Brest - Mûr-de-Bretagne), jeudi, l’édition 2018 est très ouverte et certains se mettent à croire en leur étoile.
Dan Martin sur le podium du Tour de France, après sa victoire dans la 6e étape, jeudi à Mûr-de-Bretagne. (Photo Philippe LOPEZ. AFP)
publié le 12 juillet 2018 à 20h36

Dan Martin croit en son destin : échouer souvent, gagner parfois, du gros comme la 6e étape du Tour de France que le grimpeur irlandais s'adjuge jeudi entre Brest et Mûr-de-Bretagne, ou du très gros comme le maillot jaune qui reste sur le dos du Belge Greg Van Avermaet et qu'il se voit cueillir plus tard. Son rêve de moins en moins secret. L'Irlandais de l'équipe des Emirats arabes unis ne veut plus seulement amuser son monde. Cette ambition remonte à loin. A l'été 2005, il frôle l'exclusion du Vélo Club La Pomme Marseille pour crise de résultats. Son père, Neil, ex-coureur amateur, agrippe le directeur sportif :

«Tu peux pas virer mon fils.

- Pourquoi ça ?

- Parce qu’il est fort.

- A quoi tu le vois, qu’il est fort ?

- C’est mon fils.»

Divination dans une tasse de café ? Ego à propulsion ? Gigantesque coup de bol ? Martin père et fils ne se trompent pas. Ils mettent leurs intuitions du moment, leur connaissance du corps des autres et de celui de Dan. Ils assemblent le tout. C'est comme ça que Neil a su que son fils pouvait réussir chez les amateurs et passer pro. C'est comme ça que Dan Martin s'est dit qu'il pouvait gagner sur les classiques (Liège-Bastogne-Liège, Tour de Lombardie), sur des étapes (il gagne une première fois sur le Tour de France en 2013, à Bagnères-de-Bigorre). Il pense désormais qu'il peut «marcher très fort sur le Tour». Entendre : le gagner. «Je sais, c'est gros, mais il y a des places à prendre», avait-il analysé après l'édition 2017 et sa sixième place.

Bonne étoile. Romain Bardet ne croit pas en son destin. «Non, non, je ne suis pas assez rêveur pour ça», certifiait-il avant le Tour (Libération de lundi). Le Français d'AG2R la Mondiale perd 31 secondes jeudi, retardé par un incident mécanique. Dans le même temps, son coéquipier Pierre Latour termine deuxième derrière Martin. Il s'écroule après l'arrivée. Mûr-de-Bretagne devrait enlever son circonflexe : la pente est une ligne droite de 2 kilomètres comme une paroi d'escalade. «Je ne savais même pas que Romain avait eu un problème», dit Latour, qui ajoute : «30 secondes perdues, ça fait chier, mais la course dure trois semaines.»

Comme il n’y a plus de «patron», un concurrent qu’on sait parti pour gagner avec 3 minutes d’avance irrémédiables (habitude prise sous Indurain, Armstrong, Contador et Froome), beaucoup de bons coureurs peuvent gagner le Tour de France. On arrive à six ou dix noms possibles, y compris Froome (moins saignant), Bardet (retardé), le Néerlandais Tom Dumoulin (attardé aussi), Martin (sur coussin d’air)… Qu’est-ce qui fera la différence ? Les 21 kilomètres de pavés à Roubaix dimanche ? Ou la confiance en soi, une bonne étoile qui s’allume, le fait de perdre moins de temps que les autres, à défaut de dominer ? Dans cette édition serrée, l’illusion de «destin» fait pour l’instant la différence.

Potion. La baston et la boule au ventre se nouent aussi en dehors du peloton. Jeudi matin, on a entendu les vitres trembler au départ de l'étape. Dans un rade de Brest. Le taulier est sorti du comptoir et s'est fâché tout rouge contre un vieil habitué qui, sous l'emprise de la potion, s'était permis quelque commentaire désobligeant sur la qualité du service. Il a pressé le pas vers le malheureux, resté stoïque en dépit d'une menace de baffe imminente. Le patron a finalement opté pour une menace verbale : bouter tout le monde hors du zinc et rentrer regarder le vélo à la maison. Il s'est définitivement refroidi en s'asseyant dans un coin, pour descendre un yaourt nature.

A sa droite, un grand barbu, costaud et chauve, a tenté de dissuader un autre copain de se mêler à la foule. Il a dégainé la panoplie complète, de l'argument le plus vicieux au plus sincère : «Un con peut venir faucher tout le monde avec un camion», «Tu vas les voir quoi ? Deux secondes ?», «La chaleur peut t'assommer.» Flemmard.