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Libération
Éditorial

Ouvert

publié le 13 juillet 2018 à 20h16

Se sont-ils donné le mot en cette veille de 14 Juillet ? Griezmann : «Il faut être fier d'être français, c'est un beau pays.» Mbappé : «Il faut tout donner pour la France.» Pogba : «C'est ça la France, il y a beaucoup d'origines. C'est ça qui fait une belle France.» Une équipe de Bisounours ? Ou bien l'expression d'une conviction collective, encouragée par le coach ? Un geste politique, non pas idéologique ou partisan, mais placé sous le drapeau d'un patriotisme bon enfant, ouvert et pluraliste. Souvent ces joueurs viennent d'ailleurs (leurs parents en tout cas) et jouent aussi ailleurs, dans les championnats européens en général. Français mélangés, donc, et européens. Comme quoi ces enfants des quartiers que l'extrême droite - et la droite - suspecte lourdement de «communautarisme» et taxe implicitement de mauvais Français, ou qu'une certaine extrême gauche, universitaire avant tout, ne voie que comme des victimes, deviennent soudain des modèles d'intégration réussie. Comme ils sont milliardaires, on dira qu'ils sont des exceptions. Et pourtant, le symbole demeure : différence culturelle, francité et Europe ne sont pas toujours contradictoires. Et la Croatie ? Une équipe beaucoup plus uniforme dans un pays au nationalisme sourcilleux, au blason terni par des vilaines histoires de corruption. La Croatie indépendante est née d'une guerre, celle des années 90, terrible et meurtrière. Elle a été gouvernée longtemps par Franjo Tudjman, leader identitaire s'il en fut. Son passé oustachi est de sinistre mémoire - une légion croate s'est distinguée par ses exactions au côté de l'armée allemande. Pourtant, cette ancienne province de l'Empire austro-hongrois s'est aussi distinguée par son ouverture et sa résistance au nazisme : Tito était croate. Dès l'indépendance, elle a demandé son adhésion à l'Union européenne. De quoi, là aussi, faire réfléchir les souverainistes…