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Libération
Médaille de bronze

Qui veut gagner la «petite finale» ?

Coupe du monde 2018dossier
L'Angleterre et la Belgique s'affrontent ce samedi pour la troisième place. Un enjeu relatif pour un match qui ne manque pas forcément d'intérêt.
En 2014, les Pays-Bas avaient fini troisièmes en battant le Brésil (3-0), le 12 juillet. (Photo FABRICE COFFRINI. AFP)
par Sami Mouafik
publié le 14 juillet 2018 à 10h12
(mis à jour le 14 juillet 2018 à 10h19)

En plus d'avoir perdu leurs matchs respectifs en demi-finale de la Coupe du monde, Anglais et Belges ont dû attendre pour décoller de Russie. Les deux nations s'affrontent ce samedi à 16 heures à Saint-Pétersbourg, pour tenter de décrocher la troisième place de la compétition. Une «petite finale» qui reste au programme malgré les critiques récurrentes. «Le match pour la 3e place n'a rien à voir avec le sport. Je l'avais déjà dit il y a quinze ans. Car vous pouvez faire un tournoi fantastique et partir sur deux défaites», déclarait Louis Van Gaal, après l'élimination des Pays-Bas, contre l'Argentine en demi-finale du Mondial 2014.

Le meilleur joueur des Oranje lors du mondial brésilien, Arjen Robben, avait rejoint son entraîneur : «Honnêtement, il n'y a que le titre qui m'intéressait.» – ce qui n'avait pas empêché les Pays-Bas de remporter la médaille de bronze. Un manque de motivation certain, partagé par beaucoup de joueurs. D'ailleurs, ce match a été supprimé de l'Euro par l'UEFA en 1984.

Finir en beauté

Pourtant, il y a aussi des fervents défenseurs de ce «match de gala». Et notamment, les «petites» nations. Celles qui sont parvenues à créer la surprise en arrivant jusqu'aux demi-finales et qui ont à cœur de terminer au plus haut. Car, quoi qu'on en dise, une troisième place est synonyme de podium. Cela signifie que l'équipe fait partie du Top 3 mondial. C'est en tout cas l'avis de Raymond Domenech, l'ancien sélectionneur des Bleus sur Europe 1 : «C'est quand même l'équivalent d'une médaille de bronze, on n'a pas le droit de sous-estimer cela.»

Thomas Meunier, défenseur droit de l'équipe de Belgique est du même avis et s'est montré extrêmement motivé à l'idée de finir sur le podium du mondial en Russie : «Les joueurs se sont dévoués pour leur pays. Je n'ai eu que des réactions positives à notre parcours. C'est pour ça que cette troisième place, il nous la faut absolument. On doit leur rendre et nous la rendre. Et je n'ai pas envie de repartir avec deux défaites en une semaine», dit-il dans l'Equipe. Face à eux, des Anglais également motivés. Les Three Lions, qui n'ont plus rien gagné depuis plus de cinquante ans, ont à cœur de bien finir leur tournoi. «On veut terminer avec une médaille le tournoi, ce qu'une seule équipe anglaise a réussi dans l'histoire de la Coupe du monde [l'équipe gagnante de 1966, ndlr]», a déclaré l'entraîneur, Gareth Southgate.

Le curseur entre partisans et opposants se situe peut-être à ce niveau-là. Les Nations qui ont déjà gagné la coupe pourraient avoir tendance à snober cette rencontre, alors que les autres y voient une occasion de gagner en prestige. Guus Hiddink, entraîneur, illustre cette ambivalence. En 1998, alors sélectionneur des Pays-Bas, son équipe dispute (et perd) le match pour la troisième place. Il déclare : «Nous étions complètement sous-motivés, le match n'était pas bon.» Avant de se montrer beaucoup plus enjoué à l'idée de disputer le même match, quatre ans plus tard, cette fois à la tête de la Corée du Sud (et de le perdre aussi). «Ce sera un match âpre, mais cette troisième place est très prestigieuse.»

Ainsi, dans la même logique que Miroslav Blazevic, l'entraîneur de l'équipe croate en 1998, après la victoire contre les Pays-Bas, avait déclaré : «Je suis l'homme le plus heureux du monde. C'est bien pour un petit pays comme le nôtre de terminer troisième. C'est presque aussi bon que de gagner la Coupe du monde.» Même son de cloche du côté des Suédois en 1994, avant d'affronter la Bulgarie. «Il y a une grande différence entre la troisième et la quatrième place», indiquait Tommy Svensson, l'entraîneur.

Un match spectaculaire

Grâce au manque d’un (réel) enjeu, la petite finale est souvent spectaculaire. Ainsi, depuis 1978, elle n’a jamais compté moins de 3 buts. Les joueurs, sous pression maximale pendant toute la durée du tournoi, jouent plus libérés. Il y a plus d’espaces, les défenses sont moins rigides et les attaques plus entreprenantes.

D’autant plus que ce match est l’occasion idéale pour les sélectionneurs de faire «tourner», en donnant du temps de jeu à ceux qui n’ont pas beaucoup joué pendant le tournoi. En 1986, Henri Michel décide de titulariser Jean-Pierre Papin, qui inscrira un but, son second dans la compétition. C’est aussi l’occasion d’améliorer ses stats : en 1958, Just Fontaine établit le record de buts sur une seule Coupe du monde (13) grâce à un quadruplé inscrit contre l’Allemagne lors de cette ultime rencontre.

Finalement, à l’exception de l’Euro, toutes les grandes compétitions internationales ont gardé ce match, de la Copa America, en passant par la Coupe d’Afrique des Nations ou les Jeux olympiques. La «petite finale», c’est l’histoire d’un match au goût amer, qui permet d’entrer, très modestement, dans l’histoire de la Coupe du monde.