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Libération
La finale

Equipe de France en finale de Coupe du monde 2018 : et au bout de la folie, la 2e étoile

Coupe du monde 2018dossier
Au terme d’une rencontre étrange et débridée, la France remporte son deuxième titre mondial face à la Croatie 4-2.
Après le premier but français contre la Croatie. (Photo Gabriel Bouys. AFP)
publié le 15 juillet 2018 à 19h30
(mis à jour le 15 juillet 2018 à 19h33)

Une finale, c’est le glissement du particulier au général. Le petit coup d’œil du tireur de coup franc, une décision arbitrale peu claire, un retard de deux dixièmes de seconde au marquage… Après, il y a l’évidence que l’on plaque, les discours qui viennent étayer le résultat a posteriori et tenir lieu de vérité officielle et puis les réactions en cascade, les copies – le système, la disposition tactique, le management et même les gestes via les gosses sur les terrains – favorisées par la mondialisation, les explications sur les explications.

La finale du Mondial russe renverra quand même les constructions à venir à une forme de vacuité. Les Bleus ont explosé (4-2) dimanche la Croatie à Moscou pour accrocher une deuxième étoile de champion du monde à leur maillot après celle de 1998 et cette finale a marché sur la tête. Du début à la fin. On s'est pincé : tous les joueurs qui avaient le plus œuvré à les emmener en finale (N'Golo Kanté, Raphaël Varane, Hugo Lloris) étaient dans un jour épouvantable. Et certains autres (Benjamin Pavard, Lucas Hernandez) à la frontière. Mais c'est passé. Parce qu'ils n'ont pas regardé leurs chaussures pour autant. Parce qu'un Antoine Griezmann, un Kylian Mbappé, un Samuel Umtiti et un Paul Pogba sont restés vivants sous les décombres collectifs. Parce que Luka Modric et consorts ont rendu les armes alors qu'il restait une demi-heure de jeu, et dieu sait qu'il y avait moyen de faire des choses en une demi-heure d'un match pareil.

Duels perdus

Et parce que l'arbitre argentin, Nestor Pitana, a servi la bonne fortune tricolore. Les Bleus sont mal rentrés dans le match: on l'a vu à la palanquée de duels perdus au milieu du terrain – Kanté à l'agonie – et à trois ou quatre initiatives vaseuses qui disait l'inquiétude, un dribble de dégagement suicidaire du défenseur Samuel Umtiti, un oubli de Benjamin Pavard, les mecs un peu tête en l'air. Bon: Griezmann s'est couché dans l'herbe fraîche à une trentaine de mètres du but croate, Pitana est tombé dans le panneau et le coup franc du Madrilène fut dévié de la tête par Mario Mandzukic dans son propre but (1-0, 18e). Pogba a plaqué le même Mandzukic dans sa surface dans la foulée sans que Pitana ne bronche ni ne demande l'assistance vidéo (VAR): ben dis donc… Trois duels perdus par les Bleus dans leur propre surface plus tard et les Croates étaient revenus à hauteur d'une frappe croisée d'Ivan Perisic (1-1, 28e) : tout chauvinisme mis à part, ça relevait alors d'une manière d'équité. Mais Pitana n'en a pas terminé.

L'action de la 35e minute est ambiguë : la main de Perisic en pleine surface sur un corner de Griezmann est réelle, mais sans doute pas intentionnelle, Blaise Matuidi masquant le ballon jusqu'au tout dernier moment aux yeux de l'attaquant croate. Dans un premier temps, Pitana a donné corner. Avant de se souvenir qu'il pouvait solliciter l'assistance vidéo: on peut siffler penalty (mauvais réflexe du joueur ?) ou pas (aveuglement du joueur ?), c'est la fameuse zone grise où se situe la part d'arbitraire et là l'arbitre argentin a décidé de siffler. Griezmann au violon et les Bleus devant (2-1, 38e). Taraudé par sa conscience, Pitana a ensuite oublié d'avertir Ivan Strinic alors que Mbappé filait au but. Inextricable.

Mbappé partout

Les Croates sont alors une jambe au-dessus, sans pour autant tirer des feux d'artifice: ils n'en furent pas moins menés aux citrons. La seconde période ressembla alors à une sorte d'entreprise de légitimation tricolore. Une fois Kanté rappelé sur le banc à la 55e, les Bleus ont fait simple: Steven Nzonzi rentré à sa place pour boucher les espaces en coulissant avec la dextérité du diplodocus et les jambes de Mbappé en contre-attaque, histoire de rappeler au monde que le gamin (19 ans) n'habite pas au même étage que les autres. Et qu'il y habite définitivement.

C’est donc l’attaquant parisien qui termina le travail. Une accélération à coller le frisson sur la droite et Pogba qui inscrit le premier but des Bleus en Coupe du monde sur une frappe de l’extérieur de la surface depuis Lilian Thuram lors de la demi-finale de 1998 (2-1, 59e), contre les Croates, déjà. Puis ce même Mbappé, toujours depuis l’extérieur de la surface, qui sèche le gardien croate (4-1, 65e). Mbappé s’est occupé de tout : fromage, dessert, café, pousse-café, le cigare et le voilà encore avec un grand sourire pour venir vous l’allumer. Une folie de Lloris permit à Mandzukic de donner une proportion plus digne au score (4-2, 69e) et la suite fila tranquillement, dans une forme de concorde, sauf quand Mbappé allongea la foulée pour tenter d’aller chercher un but de plus et transformer une finale mondiale en orgie privée. Le Brésilien Mário Zagallo (1958 et 1970), l’Allemand Franz Beckenbauer (1974 et 1990) : Didier Deschamps est devenu dimanche le troisième homme à remporter une Coupe du monde comme sélectionneur après l’avoir gagnée comme joueur en 1998.