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Libération
Récit

«Quand je vois les plus jeunes avec le drapeau de la France, ça fait plaisir»

Coupe du monde 2018dossier
A Montreuil, Pantin ou Bondy, la Seine-Saint-Denis a suivi de bout en bout le match de Bleus qui lui ressemblent. Jusqu'à l'exultation finale.
A Rennes, dans la fan-zone. (Photo AFP)
publié le 15 juillet 2018 à 22h40

Des drapeaux, du bruit, des câlins: la Seine-Saint-Denis est championne du monde. Pourtant, sur les hauteurs de Montreuil, le stade des Grands-Pêchers sonne creux deux heures avant le match. L’inquiétude se lit sur les visages des organisateurs. La mairie a installé un grand écran, mis à disposition des drapeaux de la France gratuits et la fumée des merguez pique les yeux. Une feinte: à quelques minutes du coup d’envoi, la pelouse et les gradins affichent complet, plus de 4000 âmes. Des jeunes, des moins jeunes, des familles et des origines par dizaines. Les visages des joueurs s’affichent sur l’écran, des grands applaudissements pour Kanté, Pogba et Mbappé, qui a grandi à Bondy, à quelques encablures de là.

Le match commence et la tension monte. La foule explose à chaque pion de la France. Elle se tord après les buts de la Croatie. La star du département, Mbappé met fin au suspens. Sa frappe ouvre les portes du trophée. Une petite bande de garçons se lève, elle ne tient plus en place, elle file avant la fin du match. «Aux Champs.» Le petit Samba, couleurs de la France sur le front, ne comprend pas: «pourquoi tout le monde part à Auchan?» On lui explique. Pendant ce temps, le maire de la Ville, Patrice Bessac a l'air heureux. Lunettes de soleil, drapeau tricolore sur le visage, il fait le tour des supporteurs et saute après chaque but.

«Des barres de rire»

L'arbitre siffle la fin du match, c'est l'hystérie. Les enfants courent partout, les jeunes quittent le stade pour rejoindre Paris et les moins jeunes restent pour observer, hypnotisés par les scènes de liesse en direct du stade Loujniki qui défilent sur le grand écran. Deux trentenaires discutent. Ils replongent dans les années 98 et la «folie sur les Champs» après la victoire. «Quand je vois les plus jeunes avec le drapeau de la France ça fait plaisir, je ne m'y attendais pas, en tout cas pas autant après toutes les polémiques ces dernières années », explique un chauffeur de bus. Son voisin: «C'est étonnant mais quand tu vois l'équipe c'est normal… Je crois qu'on va avoir la cote pendant un petit moment.» Ils rigolent. Devant le stade, on tombe sur des ados et des vannes. L'un d'entre eux interroge: «Pourquoi tu viens toujours avec ton drapeau de l'Algérie ? » La réponse fuse: «La mère de Mbapp" est algérienne».  Un argument qui ne suffit pas à convaincre autour de lui. Yssa, 16 ans: «C'est la France non? Et en plus, même quand la Chine qui joue contre le Japon, tu sors ton drapeau de l'Algérie.»

En s'éloignant du stade des Grands-Pêchers, des drapeaux, des voitures, des motos, des passants. Un soir de fête. A Bondy, ville de Kylian Mbappé, sur la route Nationale 3, un énorme bouchon se forme. Les gosses sortent leurs têtes par les fenêtres, les curieux filment. Près d'un fast-food, deux filles ne lâchent pas du regard un écran de téléphone. Paul Pogba est en direct sur le réseau social Instagram. «Des barres de rire», répètent-elles à l'envi. Elles attendent une copine pour rejoindre la capitale. Même ambiance à Pantin : sur le boulevard Jean-Lolive une grande haie se forme avec des drapeaux de la France. Et autour, toujours la même photo: des couleurs et des âges. Des jeunes en moto-cross bruyante défilent sur une roue. Des acrobates. Un habitant: «En temps normal c'est très chiant, ça dérange tout le quartier. Mais ce soir, c'est différent parce que la France a gagné.»