La Fédération allemande de football (DFB) a rejeté en bloc lundi les accusations de racisme proférées par Mesut Özil qui a claqué avec fracas la porte de la sélection nationale, suscitant un profond émoi dans un pays en pleine interrogation sur l'intégration. «Nous rejetons catégoriquement le fait que la DFB soit associée au racisme, eu égard à ses représentants, ses salariés, ses clubs, les performances de millions de bénévoles à la base», dit la DFB dans un communiqué, assurant «regretter» la décision du champion du monde 2014 de ne plus jouer avec la Mannschaft.
Le milieu de terrain d'origine turque a annoncé dimanche qu'il renonçait à la sélection nationale, évoquant le racisme dont il s'estime victime après l'élimination de la Mannschaft dès le premier tour du Mondial. Il est au centre d'une vive polémique depuis une photo en mai où il s'affiche avec le président turc Tayyip Recep Erdogan. Cela lui avait valu de lourdes critiques, surtout après la sortie de route précoce des champions du monde 2014. Certains observateurs l'ont accusé de manquer de loyauté envers l'Allemagne; le manager de la Mannschaft Oliver Bierhoff allant même jusqu'à affirmer «qu'il aurait fallu envisager de se passer d'Özil» pour le Mondial.
Le joueur n'a pas mâché ses mots à l'encontre du président de la DFB, Reinhard Grindel, un ancien député conservateur et pourfendeur durant sa carrière politique du multiculturalisme. «Aux yeux de Grindel et de ses soutiens, je suis Allemand quand nous gagnons, mais je suis un immigré quand nous perdons, a affirmé le joueur de 29 ans aux 23 buts en 92 sélections dimanche dans une longue lettre publiée en trois parties sur les réseaux sociaux. Je ne suis toujours pas accepté dans la société», a plus largement dénoncé le joueur, né dans le bassin industriel de la Ruhr et dont le père turc est arrivé à l'âge de 2 ans en Allemagne.
Soutien de Merkel
Le milieu de terrain peut se targuer néanmoins du soutien d'Angela Merkel qui avait posé avec lui en 2010 pour une poignée de main symbolique alors que l'équipe allemande s'ouvrait lentement à la diversité. «Mesut Özil est un joueur de foot qui a beaucoup fait pour l'équipe nationale», a dit lundi une porte-parole de la chancelière, il a «pris une décision qui doit être respectée». Son club anglais d'Arsenal lui a également exprimé sa solidarité en lançant sur Twitter: «Notre diversité est une grande partie de pourquoi nous sommes un club si particulier.» Ni ses coéquipiers, ni l'entraîneur Joachim Löw n'ont en revanche réagi jusqu'ici.
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«une démission faite de jérémiades décousues»
«un despote»
«dictature islamiste»
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«lamentable»
Certains journaux et politiques, tout en critiquant la virulence de sa démarche, relèvent que le racisme est un problème dans le pays. Car c’est un symbole de l’intégration qui part à l’heure où l’extrême droite connaît un essor sans précédent depuis 1945 avec le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD).
«Diversité menacée»
Le quotidien berlinois Tagesspiegel dénonce lui «l'ambiance populiste dans le pays. Le départ de Mesut Özil est une césure sportive, politique et sociétale». Le président de la communauté turque d'Allemagne, Gökay Sofuoglu, a jugé que «la diversité» de la Mannschaft était menacée alors qu'elle était jusqu'ici un «modèle».
Le joueur qui n’a jamais caché sa foi musulmane est déjà depuis deux ans la cible favorite de l’AfD. Une cheffe de ce parti, Alice Weidel, a estimé lundi que Özil était «un exemple typique de l’échec de l’intégration des gens venant du monde turco-islamique».
Lorsqu'il a été cloué au pilori pour sa rencontre de mai avec le président turc, Mesut Özil s'est fait discret. Dimanche il a expliqué que cette rencontre n'avait rien de politique et reflète un héritage et un attachement à la Turquie. «J'ai deux cœurs, un allemand et un turc», a-t-il résumé.