La vapeur est partie d'un coup, aspirée comme on refroidit la soupe, avant de revenir de plus belle par l'autre côté, recrachée par la vallée en dessous. Le Portet, 2 215 mètres d'altitude, proche de Saint-Lary-Soulan, était le point culminant du Tour cette année, un pic des Pyrénées qu'on ne trouve que dans les Alpes en temps normal. Cette montagne a laissé disjoncter sa machine à brouillard mercredi, à l'arrivée de la 17e étape, si bien que la photo souvenir n'était ni floue ni claire. C'est-à-dire flou vilain. Nairo Quintana (Movistar), le Colombien de la cordillère des Andes, s'impose en échappée. Le Gallois Geraint Thomas (Team Sky) conserve son maillot jaune avant la dernière journée de cols prévue vendredi. Son équipier Chris Froome fait la grimace et perd près d'une minute.
Coups d'éponge. Cette étape limée à 65 kilomètres n'a pas tenu la promesse marketing des organisateurs : offrir un trampoline à un favori qui aurait attaqué et «renversé» la course, comme on dit d'un serveur de café pas très adroit, avec un «oups pardon !», des éclats de verre et des grands coups d'éponge. Les coureurs ont été sommés de s'expliquer : vraie ou fausse indolence ? Et pourquoi n'ont-ils pas grimpé plus vite ? Antwan Tolhoek (Lotto NL-Jumbo) : «Ne croyez pas qu'on a contrôlé. On était à bloc.». Le Néerlandais a un visage blanc coton : «Vu l'altitude, c'était une étape pour un Colombien des hauts plateaux, pas pour un gars qui habite en dessous du niveau de la mer.»
Son équipier Primoz Roglic a failli coller au scénario d’épopée vendu par avance, flinguant les hommes de Sky à 14 kilomètres de l’arrivée. Froome a sauté sur lui. Tout paraissait alors possible : Thomas qui contre-attaque, deux Sky dans un trio, qui vont ensuite gagner main dans la main comme Hinault et LeMond à l’Alpe d’Huez (1986), en faux amis, ou au contraire se déchirer dans un crime sauvage à coups de sécateur ? A moins que Thomas flanche et que Froome en profite pour s’emparer du maillot jaune ? Deux minutes plus tard, les favoris étaient de nouveau réunis, tous apparemment au bord d’exploser.
L'étape était peut-être trop courte. Ou trop haute. Ou le Tour finalement trop dur. La tête couchée sur son guidon, l'Irlandais Dan Martin (UAE Team), deuxième de l'étape, soufflait ses premiers mots : «C'est juste haut… A 3 kilomètres de l'arrivée, je n'arrivais plus à respirer.» Ce tableau fabriqué par les organisateurs, une nature sauvage avec l'herbe qui pique les fesses des spectateurs en planche de fakir, cette route goudronnée au printemps pour ne pas faire trop sauvage quand même, n'a pas donné la bagarre voulue du vélo d'antan ni rien changé pour le maillot jaune. Les coureurs sont râpés.
Torticolis. Confidence d'Anthony Perez (Cofidis) : «J'ai senti le moment où tu passes la barre des 2 000 mètres. Tu respires deux fois plus vite, tu as l'impression de l'étouffer.» Le Toulousain souffre d'un torticolis. «J'ai beaucoup de mal dans les descentes, je ne peux pas tourner la tête pour regarder dans les virages. Alors j'accélère dans les montées. Pas pour prendre de l'avance, plutôt pour ne pas prendre trop de retard.» Son soigneur pose un drap de bain sur sa poitrine, referme son maillot et Perez fait demi-tour pour descendre ce qu'il vient de monter.