Un patronyme peut-il déterminer la carrière d'un joueur de rugby ? Dans le cas de Rodrigo Capó Ortega, initiales C.O., l'option du oui fait sens : le deuxième ligne uruguayen s'apprête à entamer sa 17e saison au Castres olympique (CO), où il a effectué toute sa carrière professionnelle. Une fidélité exceptionnelle couronnée d'une longévité devenue rare dans le rugby moderne. Agé de 37 ans, Capó Ortega sera le doyen du Top 14 cette saison. Un titre qui amuse ce solide combattant dont la barbe commence à blanchir. «Je suis le dernier de l'année 1980», lâche-t-il en souriant.
Il va croiser sur les terrains des joueurs nés en 2000 qui débutent leur carrière professionnelle. Rodrigo Capó Ortega ne compte pour autant pas leur raconter ses souvenirs de Top 16, formule du championnat disparue en 2005, ou leur parler de la manière dont les problèmes se réglaient en mêlée voilà une quinzaine d’années.
Dangerosité. Son principal objectif est de maintenir le même niveau de performance que celui qu'il a affiché lors de la saison précédente, qui a vu le sacre du Castres olympique en Top 14. «Chaque année, il faut être de plus en plus rigoureux dans la préparation. Plus le temps passe, et plus les joueurs du cinq de devant vont vite. Ce sont des athlètes qui ne s'arrêtent jamais pendant le match», explique le joueur.
Pour tenir le rythme, Capó Ortega a changé ses habitudes. Devenu père de famille, il fait très attention à son hygiène de vie et soigne sa récupération. Mais il a surtout découvert, au fil de sa carrière, le plaisir de l'effort. «Plus jeune, je n'aimais pas m'entraîner, j'étais un fainéant. J'ai changé et je suis beaucoup plus en forme aujourd'hui que voilà dix ans.» Une évolution qui lui a permis de s'adapter à un rugby dans lequel les contacts se font de plus en plus violents. «Avant, on ne se prenait pas des mecs hyper rapides de plus de 100 kilos. Ça fait forcément plus mal», explique-t-il. Il en a fait plusieurs fois les frais, notamment face au trois-quarts centre montpelliérain Anthony Tuitavake qui l'a «éteint», en juin 2016, d'un coup d'épaule. La question des commotions cérébrales le préoccupe, forcément, mais Rodrigo Capó Ortega ne s'épanche pas sur le sujet. S'il salue l'introduction de nouvelles règles ou procédures destinées à préserver la santé des joueurs, il tient à rappeler que le rugby est un sport de combat et qu'il ne faut surtout pas oublier l'essence de cette discipline. Avant un entraînement ou une rencontre, il ne songe jamais à la dangerosité de son sport ou aux conséquences sur sa santé : «Je ne pense qu'à jouer, à prendre du plaisir.» Et il mise sur sa bonne étoile pour continuer à prolonger sa carrière le plus longtemps possible.
A l'âge de 2 ans, Rodrigo Capó Ortega est tombé dans une piscine et a été repêché inanimé. Sa mère a alors adressé ses prières à Sainte Thérèse des Andes. «Je ne suis pas mort ce jour-là, j'ai eu une deuxième chance. J'ai été touché par le bâton magique», raconte le rugbyman, qui voue depuis un culte à la sainte. Il a le sentiment d'avoir été privilégié tout au long de sa carrière, aucune grave blessure ne le contraignant à renoncer à la pratique de ce sport à haut niveau.
Joies. En contrat avec Castres jusqu'à la fin de la saison, il n'exclut pas de rempiler un an de plus si le club le lui propose et qu'il est toujours en forme. Il se verrait même jouer jusqu'à 40 ans. Mais dans l'immédiat, il se concentre sur sa mission de capitaine d'une équipe très attendue après son titre de champion de France. Le calendrier propose d'ailleurs une reprise périlleuse aux Castrais, puisqu'ils iront défier dimanche le club de Montpellier, finaliste malheureux du dernier Top 14. Des retrouvailles explosives que Capó Ortega attend avec impatience.
Et au-delà de cette première rencontre, il espère que les prochains mois pourront lui offrir autant de joies que la saison passée. Derrière le championnat et la Coupe d'Europe, une autre perspective se dessine : la Coupe du monde, qui aura lieu au Japon à l'automne 2019. Longtemps resté en marge de la sélection uruguayenne, le deuxième ligne a décidé de participer l'hiver dernier aux deux matchs décisifs, face au Canada, qui ont conduit à la qualification. «Je ne voulais pas jouer en sélection car pas mal de gens m'ont craché dessus quand je ne suis pas allé à la Coupe du monde 2015. Sans connaître les raisons de ma décision. Les choses ont changé. J'en ai beaucoup parlé avec ma femme Julie et j'ai choisi de revenir», explique-t-il. En ajoutant qu'il a bien fait de l'écouter, car il aura peut-être l'opportunité de vivre une dernière aventure avec le XV de l'Uruguay.