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Analyse

Rugby : une reprise en état de choc

Carton bleu à disposition de l’arbitre, renforcement des staffs médicaux… Ebranlé par le décès d’un joueur de ProD2 en plein match, le Top 14 débute la saison avec un mot d’ordre : contrôler les risques de commotions cérébrales.
L’ailier clermontois Samuel Ezeala avait subi un violent choc lors du match face au Racing 92, à Nanterre, le 7 janvier. (Photo Dave Winter. Icon Sport)
publié le 24 août 2018 à 19h16

Deux lettres blanches ont été ajoutées sur le maillot du Stade aurillacois cette saison. Un «L» et un «F» floqués au-dessus du blason de ce club qui évolue en ProD2, la deuxième division professionnelle. Ce sont les initiales de Louis Fajfrowski, un joueur aurillacois mort le 10 août à l’issue d’un match amical. Lors de la rencontre, ce trois-quarts centre âgé de 21 ans était longtemps resté au sol après un plaquage, perdant même connaissance. Pris en charge par l’équipe médicale du club cantalien, il avait ensuite quitté le terrain et regagné les vestiaires. C’est là que Louis Fajfrowski est mort, victime de plusieurs arrêts cardiaques. L’autopsie réalisée peu après son décès n’a pas permis de déterminer les causes de sa mort et des analyses complémentaires ont été ordonnées. Leurs résultats ne seront connus que dans plusieurs semaines.

«Prise de conscience»

Ce drame pèse lourdement sur la reprise des deux championnats professionnels de rugby, la ProD2 il y a une semaine et le Top 14 ce week-end. Le spectre des commotions cérébrales et de la dangerosité des impacts sur les terrains de rugby a ressurgi brutalement, dans le sillage des saisons précédentes marquées par des contacts d’une grande violence. Une scène avait particulièrement marqué les esprits en janvier, celle du jeune Clermontois Samuel Ezeala, immobile sur la pelouse de la U Arena de Nanterre lors d’un match contre le Racing 92, après une redoutable percussion. Autour de lui, une équipe médicale s’activait pour le réanimer, à l’abri des regards derrière des draps blancs. Il s’est remis de cette collision et fait partie du groupe des joueurs de Clermont cette saison. Mais ces images ont illustré la violence des chocs dans un rugby moderne, pratiqué par des joueurs de plus en plus puissants qui privilégient le défi physique, aussi bien en attaque qu’en défense.

Les statistiques de l'Observatoire médical du rugby indiquent que le nombre de commotions cérébrales avérées a connu une augmentation constante en Top 14 entre 2012 et 2017. Selon cet organisme, conjointement créé par la Ligue nationale de rugby (LNR) et la Fédération française de rugby (FFR), elles ont atteint le chiffre record de 102 à l'issue de la saison 2016-2017. «Il y a eu une véritable prise de conscience à partir de là et on a pu commencer à travailler dessus avec tous les acteurs du monde du rugby», explique le DBernard Dusfour, président de la commission médicale de la LNR. Avec un premier résultat encourageant la saison dernière, puisque le nombre de commotions est passé à 91.

Mis en place en octobre, l'Observatoire médical du rugby a pour objectif de préserver la santé des joueurs, aussi bien amateurs que professionnels. Et la question de la détection des commotions cérébrales constitue un des enjeux principaux, la priorité étant d'éviter le «syndrome du deuxième impact» : si un joueur déjà victime d'une commotion cérébrale en subit une autre dans la foulée, les conséquences peuvent être désastreuses. Un protocole médical instauré il y a quelques années permet déjà d'évaluer l'état de santé d'un joueur lorsqu'il existe une suspicion de commotion cérébrale, afin de décider de son retour en jeu pendant un match. Un examen qui ne permet cependant pas toujours de déceler la gravité de la blessure. Les arbitres pourront désormais intervenir cette saison en adressant un «carton bleu» qui provoquera la sortie définitive d'un joueur. «L'arbitre se trouve au cœur de l'action et il peut choisir de sortir un joueur s'il estime qu'il n'est plus apte», explique Franck Maciello, directeur adjoint national de l'arbitrage au sein de la FFR, en ajoutant que les arbitres sont formés depuis plusieurs années pour apprendre à détecter les symptômes de commotion.

Baisse du nombre de licenciés

D’autres mesures sont introduites cette saison dans les championnats professionnels pour préserver la santé des joueurs, comme la facilitation des remplacements sur blessure, ou le renforcement des staffs médicaux au sein des clubs du Top 14. Elles traduisent la vive inquiétude des instances du rugby. Au-delà de la santé des joueurs, elles savent pertinemment que les commotions cérébrales ont de quoi dissuader nombre de parents de laisser leurs enfants pratiquer une discipline comportant de tels risques, et ce même si le rugby chez les jeunes n’a rien à voir avec celui des pros. Confrontée à une nette baisse du nombre de licenciés sur les deux dernières saisons, la FFR espère enrayer cette tendance au plus vite. Et elle compte notamment sur un travail de fond entrepris au sein des écoles de rugby, destiné à favoriser un jeu beaucoup plus axé sur l’évitement que sur l’affrontement.

LA 1RE JOURNÉE DE TOP 14

SAMEDI 14 h 45 : Perpignan-Stade français. 17 h 15 : Bordeaux-Bègles-Pau, Lyon-Toulouse ; La Rochelle-Grenoble, Clermont-Agen. 20 h 45 : Toulon-Racing 92. DIMANCHE 17 h 05 : Montpellier-Castres.