Menu
Libération
Récit

Après le sacre mondial, Didier Deschamps de retour en serein vague

Avant le match contre l’Allemagne, ce jeudi à Munich, des Bleus détendus retrouvent l’ordinaire à Clairefontaine. Le sélectionneur, lui, a choisi le rôle du faux modeste.
Didier Deschamps en conférence de presse à Clairefontaine lundi. (Photo Dave Winter. Icon Sport)
publié le 5 septembre 2018 à 18h56

Semaine de retrouvailles pour les Bleus à Clairefontaine en prévision du match amical de ce jeudi à Munich et retour à l'ordinaire après la deuxième étoile et les conférences de presse irradiantes du Mondial russe : les esquives, les silences, les jeux de pistes - «je pourrais aller dans un sens ou dans l'autre, vous pourriez vous en rendre compte ou non», lâché lundi par le sélectionneur des champions du monde, Didier Deschamps. Pour autant, quelque chose a changé. Mais quoi ? On s'est creusé la tête. Sans succès. Puis, on a respiré un grand coup.

Jubilé

Longtemps, les contorsions médiatiques des Bleus ont reposé sur un non-dit : la peur des acteurs de sortir des clous et, partant, leur méfiance ; les reporters allant dès lors s’abîmer à force de se cogner dans une porte fermée. Cette impression de non-dit n’a pas disparu, mais elle a changé de nature : on ressent une forme d’apaisement chez les acteurs puisqu’ils sont champions du monde «à vie», comme l’a souligné le coach tricolore juste après la finale remportée (4-2) face aux Croates, et ceux qui viennent les écouter balancent entre le respect et une forme de gratitude. Partant, les premiers n’ont rien à dire et les seconds rien à leur demander et c’est très agréable, un peu comme deux connaissances qui n’ont pas besoin de se parler pour être bien ensemble. Entre les joueurs, c’est différent : l’écho de Clairefontaine raconte le bonheur bruyant et les charges - chambrer est de leur âge - qui ont suivi les retrouvailles ; Kylian Mbappé ne quittant cependant jamais cette sorte de quant-à-soi qui fait le sel du bonhomme.

En reprenant tous ceux qu’il avait emmenés au Mondial et qui sont valides (ce qui élimine les gardiens Hugo Lloris et Steve Mandanda, il en reste ainsi vingt et un), le sélectionneur a du reste conçu ce rassemblement comme un jubilé, les retrouvailles entre les vainqueurs de Moscou devant dès lors être mises sur le même plan que celles de l’équipe avec son public, dimanche au Stade de France de Saint-Denis face aux Néerlandais. L’heure est à la concorde. La compétition dira autre chose, mais on n’y est pas encore. Pour autant, il y avait quelque chose à chercher au milieu de cette harmonie, quelque chose de pendant depuis la victoire de Moscou : Didier Deschamps lui-même.

Ou plutôt : le sens que l'architecte du groupe tricolore allait donner à son sacre à lui, une sorte de passage obligé au regard de l'impact d'un succès pareil. La question lui avait été posée après la finale de Moscou et Deschamps avait été pris au dépourvu, finissant par un truisme - «si on est champions du monde, c'est qu'il y a des choses qu'on a fait mieux que les autres» - esquivant cette question du sens. Le sujet est revenu sur le tapis lundi de façon oblique quand il lui fut demandé s'il s'était enrichi en amont et durant le Mondial russe. Il a grimacé : «Mais vous voulez que j'évolue dans quel sens ? J'aurai toujours des choix à faire, des listes [de joueurs convoqués en sélection] à faire, des changements en cours de match à faire… Vous savez, pour un entraîneur ou un sélectionneur, il y a un mot très important : c'est s'adapter.» A un sacre mondial comme au reste : le sacre mondial vécu non pas comme un acte fertile mais comme un révélateur, puis une donnée à prendre en compte dans les équations à venir.

Didier Deschamps a enchaîné : «Je ne vais pas me penser différemment parce que j'ai eu le privilège d'entraîner une équipe championne du monde. Je suis surtout très fier de ce qu'ont réalisé les joueurs. Ce sont eux, les acteurs. C'est leur mérite d'abord.» Voilà : un pas derrière, quand Aimé Jacquet avait entonné l'air de la revanche personnelle contre les élites médiatiques après le titre de 1998.

Brillant dilué

Deschamps a poussé le bouchon : dans la foulée, il s'est insurgé contre l'absence de joueurs français parmi les trois derniers nominés (l'Egyptien Mohamed Salah, le Portugais Cristiano Ronaldo et le Croate Luka Modric) au titre de meilleur joueur par la Fédération internationale alors qu'il est bien le premier à savoir que le brillant des Bleus s'est dilué dans l'effort collectif en Russie et que son meilleur mondialiste, Raphaël Varane, est défenseur, donc peu susceptible de ramasser les récompenses individuelles. A ce propos, Antoine Griezmann a postulé en douceur - «je me demande ce que je peux faire de plus pour l'avoir» - dans l'Equipe pour le prochain Ballon d'or, attribué en décembre. S'il échoue, il pourra en demander les raisons à Mbappé : franc comme l'or, celui-ci l'a froidement écarté des cinq principaux postulants. Ce gamin vient vraiment d'une autre planète.

Le programme des Bleus (dans le cadre de la Ligue des Nations) : Jeudi, 20 h 45 : Allemagne -France à Munich ; Dimanche, 20 h 45 : France - Pays-Bas à Saint-Denis