Le logo du Stade Français a viré au noir sur les réseaux sociaux. Depuis mercredi, le club parisien est en deuil après le décès d'un de ses joueurs espoirs, Nicolas Chauvin. «A la suite d'un accident lors du match espoirs à Bègles, Nicolas a été victime d'un traumatisme cervical qui a occasionné un arrêt cardiaque et une anoxie cérébrale», explique le club dans un communiqué diffusé quelques heures après la mort de ce rugbyman âgé de 18 ans. Il était titulaire, dimanche, au coup d'envoi du match contre l'Union Bordeaux Bègles dans le cadre du championnat espoirs, une compétition principalement destinée aux joueurs des clubs professionnels (Top 14 et Pro D2) âgés de moins de 23 ans.
La rencontre venait de débuter sur la pelouse du stade André-Moga lorsque le troisième ligne parisien a défié, balle en main, deux adversaires. «Il y a eu un double plaquage, a raconté au site de RMC Sport Adrien Marbot, l'arbitre du match. J'ai arrêté immédiatement le jeu pour que les médecins et kinés puissent entrer sur la pelouse. Ils se sont occupés de lui. En dix secondes, ils étaient auprès de lui.» Le personnel médical réalise un massage cardiaque car son pouls est très faible.
Dangerosité
Ils parviennent à le stabiliser et Nicolas Chauvin peut être transporté au CHU de Bordeaux, où les médecins diagnostiquent une fracture cervicale. Il est opéré dans la foulée, puis placé dans un coma artificiel. Il est mort trois jours plus tard. Le Stade Français lui rendra hommage ce vendredi à Jean-Bouin avant la rencontre contre les Ospreys.
De tels drames se sont malheureusement déjà produits dans le rugby français. Ils se sont aussi bien déroulés au sein du championnat national d'élite que dans des séries régionales. Et si la plupart ont eu lieu voilà plusieurs décennies, à un moment où le rugby était encore amateur, un cas a récemment ravivé le débat sur la dangerosité de ce sport de contact et de combat. Il concernait un jeune Aurillacois, Louis Fajfrowski, mort en août à la suite d'un plaquage lors d'un match de présaison. Après être longtemps resté au sol, ce joueur de 21 ans avait pu rejoindre les vestiaires de son club. Plusieurs arrêts cardiaques l'ont alors terrassé. Saisi, le parquet d'Aurillac avait procédé à son autopsie et à de nombreuses analyses pour déterminer les causes de son décès. Le 8 novembre, il concluait à «une mort accidentelle à la suite et non pas à cause d'un plaquage», provoquée par un traumatisme thoracique précordial, responsable d'une commotion cardiaque létale sur un cœur pathologique.
Ces deux accidents tragiques, auxquels s’ajoute le décès d’un joueur de 17 ans en mai au lendemain d’un match disputé avec son club du Puy-de-Dôme, ont provoqué les mêmes réactions de tristesse et de consternation chez les dirigeants de la Fédération française de rugby et dans le monde de l’ovalie de façon générale.
Commotions
Ancien troisième ligne du XV de France (90 sélections), Olivier Magne a lui aussi exprimé publiquement sa grande tristesse. Mais celui qui travaille désormais comme consultant rugby pour différents médias va plus loin et demande des explications. «On ne peut pas mourir sur un terrain de rugby, c'est inconcevable», lâche-t-il, très affecté par les drames qui touchent ce sport qu'il aime tant. Il déplore le tournant pris par ce sport depuis une vingtaine d'années et le développement d'une philosophie beaucoup trop tournée vers l'affrontement et le défi physique. Les joueurs professionnels se sont peu à peu métamorphosés, devenant de plus en plus puissants et véloces. «Ce n'est pas possible de penser que sur chaque contact, un joueur peut potentiellement se blesser gravement», soupire Olivier Magne.
La multiplication des commotions cérébrales au cours des dernières saisons a déjà amené les instances du rugby à prendre certaines mesures, notamment pour une meilleure prise en charge des joueurs touchés sur un terrain. Les arbitres se montrent également beaucoup plus durs avec les plaquages ou les attitudes pouvant entraîner un risque pour la santé de leurs adversaires. Et voici quelques semaines, le programme «Bien joué» a été lancé dans les écoles de rugby afin de «diminuer le nombre de situations à risque» et «renforcer la sécurité» sur le terrain. Une initiative qui vise à rassurer les parents hésitants à l'idée de laisser leurs enfants pratiquer cette discipline. Car le nombre de licenciés rugby aurait baissé de 10 % entre le mois de mai et la rentrée 2018.