L'exil est inséparable du métier de footballeur, à tout le moins dans les jeunes années du joueur : l'un d'eux nous faisait il y a quelques années la remarque que le déracinement commence «quand tu ne dors pas dans ton lit», et une écrasante majorité de ceux qui sont en formation, dans l'Hexagone ou ailleurs, vivent dès 11 ans dans un centre où ils apprennent leur métier, ne rentrant chez eux que pour les week-ends. Reste qu'historiquement, le football a fait la trace : aucune activité humaine n'a été autant affectée par l'effacement des frontières et la libre circulation des personnes que le ballon rond, lui-même se vivant comme une sorte d'avant-garde - les compétences priment sur tout, à commencer par le passeport - mettant sur un pied d'égalité les citoyens de tous les pays.
Deux joueurs du Racing Club de Strasbourg, l'attaquant sud-africain Lebo Mothiba (22 ans), né à Johannesburg, et le défenseur serbe Stefan Mitrovic (28 ans), qui a vu le jour à Belgrade et qui s'est vu remettre le brassard de capitaine de l'équipe alsacienne alors qu'il n'était pas arrivé en France depuis un mois (ce qui confine au tour de force), se sont longuement racontés sur leur parcours et ils éclairent un point important : il y a autant d'histoires et de ressentis qu'il y a de joueurs ayant franchi ce cap de l'exil. Pour autant, il y a aussi des points communs, et ceux-ci ne sont en aucun cas réductibles au football : une forme d'effacement (on vous voit par la force des choses comme un professionnel avant de voir l'homme), une force de caractère particulière et une capacité exacerbée à comprendre et donner très vite ce que les autres attendent de vous.
Huitième au classement de Ligue 1, le Racing Club de Strasbourg se déplacera sur la pelouse du Stade de Reims samedi soir pour le compte de la 18e journée. En hommage aux victimes de l'attentat de mardi, les joueurs alsaciens porteront un maillot distinctif, et sans publicité.