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Libération
Rétro 2018

Kylian Mbappé, haut le gamin

En équipe de France ou avec le Paris-Saint-Germain, le jeune attaquant aura raflé les trophées en 2018, s’imposant en leader de terrain.
Kylian Mbappé lors de la finale du Mondial (Photo Thanassis Stavrakis. AP)
publié le 28 décembre 2018 à 17h16

La quadrature du cercle : on peut à la fois perdre, terminer au pied du podium du ballon d’or (4e de ce trophée récompensant le meilleur joueur de foot de l’année civile, les journalistes de plus de 200 pays votent) et sortir avec les lauriers quand même, mais voilà, pour cela, il faut être Kylian Mbappé.

Le 3 décembre, au Grand Palais : finaliste malheureux du Mondial russe face aux Bleus (2-4), le Croate Luka Modric reçoit la récompense. Cristiano Ronaldo (2e) et Lionel Messi (5e) sont absents puisque battus et vexés. Antoine Griezmann (3e) ironise avec un brin d'amertume, et Mbappé plane sur la soirée : «Déçu, moi ? Pourquoi ? Non mais vous avez vu qui me devance au classement ? Il m'a manqué quelque chose, la régularité par exemple.» Oui et non.

2018 aura vu Mbappé remporter pour la deuxième fois d’affilée le titre de champion de France, il a aussi emballé avec le Paris-SG la Coupe de France et celle de la Ligue, et il est surtout devenu le leader offensif d’une équipe de France sacrée championne du monde en Russie au terme d’un parcours épique ; les sélections argentine, uruguayenne, belge et croate poussées dans le bas-côté.

Ceux qui l’ont suivi pendant le Mondial peuvent témoigner : alors que les comparaisons habituelles (Zinédine Zidane et Michel Platini, dont Mbappé a revendiqué et obtenu le numéro 10 chez les Bleus) pavaient les pas du gamin (20 ans depuis peu), lui regardait ailleurs, beaucoup plus loin. Assumer cette généalogie n’est qu’une étape. Le reste, c’est, dans le milieu, quelque chose d’aussi radical que l’apparition de la couleur dans le cinéma : Mbappé doit tout transformer, faire bouger les lignes de force (les joueurs, ceux qui les entraînent, les médias, les marques) dans des proportions inédites, changer le regard du monde sur son sport.

Le 11 octobre, devant les Islandais à Guingamp, le public se foutait d’avoir les Bleus sous le nez. Il a réclamé l’entrée en jeu de Mbappé jusqu’à ce qu’on lui donne satisfaction et le gamin, auguste, a ramené les Bleus à hauteur (de 0-2 à 2-2) en quelques gestes, alors que toute la superstructure tricolore (Antoine Griezmann, Raphaël Varane, Paul Pogba, N’Golo Kanté, Lucas Hernandez) était sur le banc.

Humble

Mbappé les éclipse tous. Mais où va-t-il les emmener ? Zidane a débuté chez les Bleus à 22 ans : à cet âge (et à ce rythme, mais il peut faire mieux), le gamin de Bondy devrait être à une demi-douzaine de buts du record (51) de Thierry Henry en équipe de France. Lequel Henry a débuté en octobre sa carrière d’entraîneur avec une AS Monaco en perdition : le temps passe vite. Pour Karim Benzema aussi : une quatrième Ligue des champions remportée avec le Real Madrid en mai devant Liverpool et une aura de martyr chaque jour grandissante, à la mesure de son interminable exclusion de l’équipe de France de foot à la suite d’une affaire de sextape.

Le temps passe vite, mais contrairement à Henry ou à Benzema, Mbappé le maîtrise. Ce qui ne paye pas tout de suite paiera plus tard, c’est le sens de sa sortie lors de la remise du ballon d’or. L’humble posture du joueur à cette occasion n’est pas mimée : au point où en est Mbappé, la modestie, c’est forcément de la fausse modestie. Donc, autant dire les choses comme il les voit. Et après tout, le lustre du Croate qui a obtenu le ballon d’or l’éclaire aussi.

Explosion

Mbappé est désormais à un niveau où il s'est toujours vu. Juste après son explosion aux yeux du monde, lors du 8e de finale contre l'Argentine (4-2, deux buts, un penalty obtenu après une course de 70 mètres), un journaliste anglais lui a demandé s'il se sentait l'égal de Pelé. La réponse exacte du joueur fut celle-là : «Pelé, non… Disons que je suis content d'être dans ces sphères.»

2018 aura aussi été l’année de la révélation d’un fichage ethnique au Paris-SG, impliquant un formateur, Marc Westerloppe, qui vit désormais terré chez lui. La mère de Mbappé aura été la seule à le défendre publiquement. Le monde est à sa main.