Dimanche, Ryoyu Kobayashi s’est envolé dans le ciel de Bischofshofen (Autriche). A sa réception, après un saut mesuré à 137,5 mètres, le Japonais a fait une entrée fracassante dans le cercle des sauteurs à skis à avoir réussi le grand chelem sur la tournée des Quatre Tremplins. Dans l’histoire de ce sport exigeant, ils n’étaient, avant lui, que deux à avoir réussi pareil exploit : l’Allemand Sven Hannawald en 2002 et le Polonais Kamil Stoch, l’an passé. Le skieur de 22 ans est aussi devenu le deuxième Japonais à s’imposer sur l’épreuve, vingt-et-un ans après son compatriote Funaki Kazuyoshi.
«Culot» et «fluidité»
«Le gars a seulement 22 ans. C'est la première année qu'il est aux avant-postes, et avec du culot et beaucoup d'insouciance, il s'est permis d'aller faire le grand chelem, c'est incroyable», s'enthousiasme Jérôme Laheurte, le directeur des équipes de France de saut à skis et de combiné nordique, qui salue la décontraction du Nippon : «Ce qui est le plus impressionnant, c'est sa fluidité, il n'y a aucun blocage. La technique du saut à skis a des similitudes avec celle de la perche. Quand on regarde Kobayashi, on remarque qu'il a un très bon lâché prise au moment du saut, il faut énormément de confiance pour réaliser cela.»
En début de saison, pourtant, bien malin qui aurait pu prédire le décollage du drôle d'oiseau japonais. Jamais victorieux en Coupe du monde avant ce nouvel opus, Ryoyu Kobayashi avait bouclé le dernier exercice à la 24e place du classement général. Mais il y en avait au moins un pour croire au réveil du petit prince : Janne Väätäinen, son entraîneur. «Lorsque Ryoyu Kobayashi a compris qu'il devait faire plus que seulement piloter sa Porsche, il est devenu bon, expliquait le mentor finlandais à l'AFP. J'ai beaucoup insisté pour qu'il s'entraîne plus, mais jusqu'à présent ça ne lui plaisait pas. Il profite de la vie. Quoi qu'il fasse, il a toujours ce sourire coquin de gamin sur le visage.»
«Le mental est essentiel»
DJ à ses heures perdues et féru de grosses cylindrées, le natif de Hachimantai, à 550 km au nord de Tokyo, a remis le sport au centre de ses priorités. Le soir du nouvel an, la veille de l’épreuve de Garmisch-Partenkirchen (Allemagne), il ne faisait pas danser le Japon mais dormait comme un loir dès 22 heures. Le lendemain, le Nippon triomphait sur la deuxième étape de la tournée des Quatre Tremplins.
Troisième homme à réaliser un grand chelem sur l'épreuve, un an seulement après le Polonais Kamil Stoch, Ryoyu Kobayashi pourrait être rejoint par d'autres skieurs dans les années à venir : «Trois des quatre tremplins ont été refaits avec un cahier des charges similaire, analyse Jérôme Laheurte. Avant, on testait davantage la capacité d'adaptation du skieur.» Depuis les travaux, seul le tremplin autrichien de Bischofshofen dispose d'un profil différent. «Il est très long et très plat, on a deux fois plus le temps pour réfléchir avant d'effectuer son saut. Le mental est essentiel», poursuit le directeur des équipes de France de saut à skis et de combiné nordique qui juge, par ailleurs, que les sauteurs bénéficient aujourd'hui d'une préparation mentale plus complète.
En attendant, Ryoyu Kobayashi a inscrit son nom en lettres d’or dans l’histoire du saut à skis. Un sport que le Japonais pourrait marquer à nouveau en remportant le classement général de la Coupe du monde en fin de saison.