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Libération
Sport à la loupe

Handball: à quand la faute?

Alors qu’en Allemagne et au Danemark, le championnat du monde bat son plein, l'arbitre international Laurent Reveret décrypte ce qui est permis sur un terrain et ce qui ne l'est pas.
Lors du match Espagne-Japon au championnat du monde. (Photo Christof Stache. AFP)
publié le 15 janvier 2019 à 12h24

Dans la forêt de bras qui empêche le handballeur de trouver le chemin des filets, il est parfois difficile de savoir ce qui est autorisé ou non. La règle de la faute possède ses zones d'ombre, au grand dam du spectateur occasionnel qui peine souvent à saisir certaines subtilités des contacts entre les défenseurs et les attaquants. En cette période de championnat du monde (jusqu'au 27 janvier), les interrogations au sujet d'une des règles centrales du handball sont plus que jamais d'actualité. «Notre sport est très subjectif. Il y a beaucoup de zones d'interprétation», constate même l'ancien arbitre international Laurent Reveret, cinq championnats du monde de handball à son actif. En cause, entre autres, les articles 8.1 et 8.2 du règlement, qui régissent les irrégularités dans le jeu. Si certains points comme le «c» de l'article 8.2 ne souffrent d'aucune contestation – «il est interdit de retenir le joueur adverse, de le ceinturer, de le pousser, de se jeter contre lui en courant ou en sautant» –, d'autres sont plus sombres. Selon le point «b» de cette partie du règlement, «il est interdit de barrer le chemin du joueur adverse avec les bras, les mains ou les jambes ou de le repousser» quand l'article 8.1 explique «qu'il est permis d'entrer en contact corporel avec l'adversaire de face et les bras pliés, de le contrôler et de l'accompagner». De plus, l'article 8.1 autorise de «barrer le chemin au joueur adverse avec le corps» alors que l'article 8.2 interdit «de gêner, harceler ou mettre en danger l'adversaire (avec ou sans ballon), de manière irrégulière». Un bon gros sac de nœuds, en somme, pour les non-initiés, que les réponses de Laurent Reveret promettent d'aider à démêler.

Quels critères prenez-vous en compte pour siffler une faute ?

Le premier concerne la partie du corps qui a été touchée. Le visage c’est non négociable, sauf si on parle d’un effleurement involontaire et encore, même dans ce cas, il y a peu de tolérance. Ensuite, il faut être vigilant avec les contacts sous le bassin. Dès que cette partie du corps est touchée, le joueur peut rapidement perdre l’équilibre. La notion de danger est ici évidente. Les contacts au niveau du torse sont rarement sifflés.

Le second critère c’est l’orientation du défenseur par rapport à l’attaquant. En défendant sur quelqu’un en face-à-face, le joueur aura peu de chance d’écoper d’une sanction. Néanmoins, s’il arrive par le côté ou l’arrière, là tout de suite, le degré de dangerosité sera multiplié et la faute se sifflera plus facilement.

Enfin on va juger l’intensité du coup, ou de l’intervention, en prenant en compte ses conséquences. Un choc, même s’il est violent, n’aura pas la même résonance en fonction de la posture de l’adversaire. Si un joueur lancé percute un défenseur qui arrive de manière rigoureuse, mais propre, le choc sera intense mais régulier. A contrario, si un attaquant est déséquilibré, lors de sa contre-attaque par un joueur statique, une simple poussette pourra le déséquilibrer et avoir des conséquences fâcheuses sur son intégrité physique.

Quels sont les droits d’un défenseur pour essayer de contrer un attaquant ?

Il faut que les bras du défenseur amortissent l’attaquant et qu’ils n’aillent pas le pousser. Les bras du joueur doivent se fléchir au moment du contact corporel, ils ne doivent pas se tendre. Il doit toujours y avoir une intention de récupération du ballon. À partir du moment où les actions défensives sont orientées davantage vers le corps que vers le ballon, on va avoir tendance à siffler.

Pour récupérer le ballon, le joueur peut le subtiliser. Si par exemple l’attaquant fait une passe, toute la surface opposée à sa main sera libre. Le défenseur pourra donc le déposséder du ballon, en venant subtilement effleurer ce dernier sur sa surface libre pour le faire tomber. Si le handballeur doit mettre trop d’intensité et d’impact pour récupérer la balle, on parlera d’arrachement et la faute sera sifflée.

Y a-t-il des situations où un arbitre doit particulièrement faire attention à ne pas se laisser duper par les joueurs ?

Aujourd’hui ça va très très vite et la densité physique est de plus en plus importante. Pour nous, la partie la plus compliquée concerne ce qui se passe au niveau du visage. Les attaquants s’engagent souvent avec la tête en avant. C’est une sorte de poker menteur. En adoptant cette posture, les attaquants essaient de dissuader les défenseurs d’intervenir, mais ces derniers vont quand même venir fermer l’intervalle comme ils peuvent. Des fois, entre venir fermer sur le torse ou sur le visage, il y a quelques centimètres voire quelques millimètres. À ce moment-là, ça devient très compliqué pour nous. Parfois, pour provoquer une sanction, l’attaquant va même venir mettre son visage contre le défenseur. Sur ce genre de cas, c’est difficile de savoir qui est fautif.