La retraite annoncée d’Andy Murray et l’incertitude autour de celle, inévitable, de Roger Federer sont venues rappeler l’âge relativement avancé de ceux qui, encore et encore, règnent sur le tennis mondial. Les sept vainqueurs de Grand Chelem encore en activité ont tous passé le cap de la trentaine. Et depuis l’US Open 2016, les couronnes sont systématiquement raflées par des joueurs de plus de 30 ans.
Le quarté gagnant : Roger Federer, 37 ans, Rafael Nadal, 32 ans, Novak Djokovic, 31 ans, et Stan Wawrinka, 33 ans. L’Open d’Australie 2019 pourrait bien confirmer la tendance. Même si tous les quatre ont connu une blessure importante qui les a éloignés du circuit pendant plusieurs mois, ils ont su retrouver leur niveau physique et technique. Comment expliquer cette longévité ? Quel est l’élixir de jouvence des cadors de la balle jaune ?
Gluten
Cette question, l'ancien numéro 1 mondial Jim Courier l'a posée franchement à Roger Federer sur le court à l'issue de sa victoire du deuxième tour. «Pour ce qui est de l'Open d'Australie, la recette est assez simple, a répondu le Suisse. On sort de la pause d'entre-saison, de la période où l'on a pu se régénérer et faire un gros bloc de préparation physique. On arrive sur ce premier Grand Chelem généralement reposé et prêt. Mais ensuite, quand on avance dans la saison, on doit se préparer différemment. […] Au Masters de fin d'année à Londres, par exemple, j'évitais de m'entraîner les jours où je n'avais pas de match. Je sentais que c'était mieux pour mon corps et pour ma tête aussi, de prendre un jour de congé loin du stade avec ma famille. J'essaie d'ajuster mon emploi du temps pour pouvoir me reposer. C'est un équilibre déterminant entre repos, entraînement et vie familiale.» Travailler, s'entraîner en y trouvant du plaisir et sans s'user mentalement. C'est effectivement cette subtile alchimie qui permet à Roger Federer de tenir la distance et continuer à tutoyer les sommets sur les courts. De repousser en quelque sorte les limites de l'âge.
Esprit et corps se mêlent aussi chez Novak Djokovic qui, depuis quelques années, s’adonne à la méditation, mange sans gluten et pratique le yoga pour lutter contre les effets du temps qui passe.
Philosophe, Rafael Nadal, dont le corps meurtri pousse régulièrement des cris d'alarme, admet la nécessité d'adapter son quotidien d'athlète de haut niveau à son âge. Mais le numéro 2 mondial ne veut pas entrer pas dans les détails : «Quand j'avais 25 ans, je faisais les choses différemment que lorsque j'en avais 12 ou 18. Et maintenant, à 32 ans, j'aborde les choses différemment qu'il y a quatre ans. C'est normal, on évolue et on s'adapte, c'est comme ça dans la vie en général, pas seulement dans le sport.» L'Espagnol a notamment appris avec le temps à accepter de réduire ses doses d'entraînement.
Etre à l'écoute de son corps, c'est ce que fait Roger Federer, rendu attentif dès l'adolescence par son préparateur physique, Pierre Paganini, de l'importance d'une gestion intelligente de son calendrier, adapté au fur et à mesure des vingt ans passés sur le circuit. Tout comme sa routine d'avant match. «A mon âge, j'ai besoin de m'échauffer un peu plus, de soigner davantage les détails.»
Avantage
Cryothérapie, étirements, relaxation, nutrition… l'époque semble avoir rendu accessible le rêve de jeunesse éternelle. «Tout a évolué. La façon de se préparer, le style de vie, la nutrition… Les méthodes d'entraînement et de récupération se sont améliorées. Certains ont préparé leur longévité depuis un bon moment, donc tout ça fait que ça commence à être un peu plus courant de voir des trentenaires performer, analyse Sam Sumyk, le coach de Garbiñe Muguruza. On constate ça aussi dans le basket ou le football américain avec Tom Brady. Il y a de plus en plus de gens "âgés" qui restent au très haut niveau. C'est une évolution normale. Les joueurs font beaucoup attention à leur récupération et planifient aussi mieux leur emploi du temps.»
Encore numéro 1 mondial à 33 ans, André Agassi avait tiré sa révérence à 36 ans, fourbu par des douleurs récurrentes au dos. A l'époque, durer aussi longtemps faisait figure d'exception. «Je me suis investi pour pouvoir jouer jusqu'à 36 ans, confie l'Américain. Aujourd'hui, les joueurs sont davantage conscients de la nécessité de s'écouter, ils prennent davantage soin d'eux, ils évaluent mieux leur programmation, ils s'entraînent de manière plus nuancée.»
Pour Agassi, l'âge est même un avantage. «Je suis convaincu que si ton corps tient le coup, les années jouent en ta faveur. Tu élèves ton niveau de jeu avec l'âge. C'est pour ça qu'ils durent plus longtemps et que les jeunes mettent plus de temps à percer.» Les jeunes frappent à la porte, commencent à décrocher des titres en Masters 1 000 mais peinent à déloger les vieux rois en Grand Chelem. Jusqu'à quand ?