L’image avait marqué les esprits le 9 décembre : en déplacement à Alcorcon dans la banlieue de Madrid, les joueurs du Reus Deportiu (Reus Sportif, en catalan) avaient observé une minute de grève, enlacés sur le rond central, en ouverture d’un match de deuxième division. Pendant ce temps, leurs adversaires s’abstenaient de faire rouler le ballon. Motif de la grogne: la plupart des salaires n’étaient plus versés. Si les retards atteignent trois mois, stipule le règlement de la ligue professionnelle espagnole, les joueurs sont libérés de leur contrat et peuvent signer où bon leur semble.
C’est ce qui est finalement arrivé. Après le départ de six sportifs depuis le début de l’année, Reus, ville de 100 000 habitants à une centaine de kilomètres de Barcelone, n’était plus en mesure de coucher sur la feuille de match douze licences pro. Ses deux derniers matchs ont été suspendus, et le couperet est tombé lundi matin. Constatant qu’un mystérieux groupe d’investisseurs américains, présenté par la direction du club comme repreneur, ne s’était pas manifesté, les instances juridiques de la Liga ont exclu le club de toute compétition professionnelle pour trois ans, avec effet immédiat.
Ombrageux président
Les ennuis ont commencé quand le Reus Deportiu s’est hissé pour la première fois de son histoire en deuxième division, en juin 2016. Passée professionnelle, la formation se défend honorablement et assure le maintien deux saisons de suite. Mais les résultats financiers ne sont pas à la hauteur du bilan sportif. Sous la direction de l’ombrageux président Joan Oliver i Fontanet, le club laisse filer son endettement, jusqu’à atteindre, en début de saison 2018-2019, 5 millions d’euros, entre salaires impayés et cotisations sociales non versées. La petite taille de son stade, de Camp Nou Municipal, avec seulement 5 000 places, est un handicap supplémentaire.
Dans ces conditions financières, il est surprenant que le club ait été autorisé à entrer en lice à la reprise du championnat : la raison aurait penché vers une rétrogradation à l’échelon inférieur. Mais Joan Oliver, piètre gestionnaire malgré son passé de journaliste économique, a des appuis solides. Ancien directeur de TV3, la puissante télévision régionale, il a été ensuite été un haut dirigeant du FC Barcelone, en tant qu’homme de confiance de l’ancien président (entre 2003 et 2010) Joan Laporta.
Tapis vert
Malgré l'absence de salaire, les joueurs ont fait preuve de panache sur le terrain. Le 6 janvier, ils l'emportaient 0-3 en visite chez le leader Malaga. Le recours possible pour Reus étant non suspensif, la deuxième division espagnole va se poursuivre avec 21 participants, dont trois (au lieu de quatre) descendront en fin de saison. Les futurs adversaires de Reus auront match gagné sur tapis vert, en revanche les résultats des rencontres déjà disputées restent acquis. En plus d'une amende de 250 000 euros, l'équipe devra dédommager les clubs où il devait se déplacer, à hauteur de la recette moyenne de la saison.