Le Tournoi des six nations 2019 a débuté ce week-end sur les chapeaux de roue : débarrasse-toi du ballon mon frère, et tu seras payé au centuple. Après la victoire (19-24) des Gallois vendredi au Stade de France, les Anglais l’ont emporté (32-20) à Dublin samedi face à des Irlandais estampillés «meilleure équipe du monde» (Rory Best et consors avaient en effet battu les All Blacks néo-zélandais cet automne) en utilisant la même recette que les tombeurs des Bleus : le fameux «jeu au pied offensif», qui consiste à se délester du ballon - et de la conduite du jeu -en le tapant dans le camp adverse sans toutefois le sortir des limites du terrain et en montant la ligne défensive le plus vite possible pour presser ceux d’en-face.
Ce qui force ceux-ci à se débrouiller sous pression, non loin de leur en-but, la tentation de dégager en touche (avec lancer pour l'équipe qui s'est débarrassée du ballon, donc) étant alors grande. En Irlande, les Anglais ont utilisé ce jeu au pied offensif deux, cinq, dix fois, en lui ajoutant la seconde lame : une défense de fer où les hommes entraînés par l'Australien Eddie Jones ont fait parler une certaine supériorité athlétique au fil du match, comme s'ils fatiguaient moins que leurs adversaires. «Je n'ai pas souvenir d'un match où on a autant subi au placage, a expliqué après-coup le coach irlandais Joe Schmidt. [Les Anglais] nous ont battu physiquement.»
L'Equipe remarquait que cette stratégie était prônée en 2015 par l'ex-sélectionneur des Bleus Philippe Saint-André, «exécuté» depuis à l'issue d'un procès en ringardise et après une élimination (d'une ampleur il est vrai historique, 13-62) face aux Blacks en quart de finale du précédent Mondial, une compétition qui avait favorisé les équipes qui portaient le ballon.
Peut-être que Saint-André a eu raison trop tôt et que le balancier s’est inversé : le prochain mondial japonais (20 septembre-2 novembre) risque bien d’être aussi spéculatif (jeu au pied, puis défense) que ce qu’on a vu ce week-end. Puissent les équipes du Sud proposer autre chose cet automne…