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Rugby

Face à l'Angleterre, les Bleus coulent à pic

Le XV de France a été atomisé 44-8 lors de la deuxième journée du Tournoi des six nations.
Owen Farrell auteur d'un des six essais anglais, dimanche à Twickenham. (Photo Glyn Kirk. AFP)
publié le 10 février 2019 à 19h33

Combien de fois a-t-on écrit, depuis la débâcle historique de 2015 contre les All Blacks, 62-13, en quarts de finale de la Coupe du monde, que le XV de France ne pouvait pas tomber plus bas ? Et puis si. Dimanche après-midi, en clôture de la deuxième journée du Tournoi des six nations, les Bleus ont coulé à pic contre l’Angleterre, 44-8. Plus qu’une défaite, une énième humiliation, pour un groupe qui, avec désormais huit de ses neuf derniers matches perdus, n’inspire plus qu’un seul sentiment : l’affliction. Ou deux, si l’on ajoute la pitié.

Une semaine après avoir perdu à domicile, contre le Pays de Galles, alors qu'au bout de 40 minutes, la victoire paraissait plus que promise, on ne donnait pas cher des chances françaises, c'est vrai, dans un stade de Twickenham où elle n'a pas réussi le moindre résultat positif depuis maintenant quatorze ans. A défaut d'un miracle, on se raccrochait néanmoins à la manière éventuelle avec laquelle Guilhem Guirado and co allaient bien pouvoir offrir une résistance digne des vœux pieux invariablement énoncés… en dehors du terrain. Bilan : trente-six points d'écart, avec un bonus offensif (quatre essais) acquis dès la mi-temps et une démonstration anglaise si criante dans tous les secteurs que, pour une fois, on nous épargnera au moins la sérénade des «petits détails qui font la différence». Puissant, créatif, gourmand…, le XV de la Rose a réussi presque tout ce qu'il tentait en fondant sa mainmise sur une gestion métronomique du jeu au pied. En face, nos zombies ont paru hébétés, résignés, falots, à de rares soubresauts près (Damian Penaud en première mi-temps, Antoine Dupont en deuxième).

Dans le déni

Après deux journées, l'Angleterre est en tête de l'épreuve, signant au passage un sans-faute : 10/10, synonyme de deux victoires bonifiées. La France, elle, est avant-dernière avec 1 point (de bonus défensif, contre Galles), juste devant l'Italie. Il y a un an, c'est-à-dire un siècle, l'Angleterre, alors favorite de la compétition, avait terminé le Tournoi à la 5e place, juste derrière la France, 4e. Mieux, les Bleus avaient signé à Saint-Denis une performance, 22-16, dont, très naïvement, on imaginait qu'elle allait pouvoir servir de socle pour reconstruire autre chose qu'un château de sable. Depuis, le groupe d'Eddie Jones a fait plus que se remettre dans le sens de la marche. Sur la lancée de test-matches de novembre probants (trois victoires, contre une défaite in extremis, face à la Nouvelle-Zélande), le XV de la Rose a refleuri et il fait aujourd'hui figure de favori. A l'inverse, la France, elle, s'enfonce dans le déni, de contre-performance en contre-performance (défaites contre Fidji, l'Afrique du Sud…), à l'image du président de la Fédération Française de Rugby, Bernard Laporte, qui, pas plus tard que dimanche dernier, déclarait encore au micro d'Europe 1, à propos d'une éventuelle remise en question du sélectionneur, Jacques Brunel : «Tout est programmé (sic) et nous irons ensemble» (dans le mur, à savoir la coupe du monde au Japon, dans huit mois, ndlr) ; Laporte, ajoutant, sans doute dans l'esprit des Grosses Têtes, où il a ses entrées : «Notre équipe a le potentiel et, avec un peu de chance, tout est possible.»

Pour Brunel, justement, il n’y a plus un match où tout le monde, hormis les instances dirigeantes, ne remette en question sa capacité à emmener un groupe ailleurs qu’à l’abattoir. A Twickenham, pour «le match du Tournoi» (dixit Guirado, qui saura donc en tirer les conséquences), ses choix stratégiques laissaient dubitatif, tant il donnait le sentiment de vouloir limiter la casse, plutôt que tenter un fric-frac, certes hautement improbable. Eh bien même pas : à l’oxymore d’une ambition inavouable de perdre dignement, s’est substitué un nouveau dévissage en règle dont on se demande bien quel autre seppuku il appelle. Dimanche, les jeunes joueurs (Dupont, Ramos, Ntamack) sont rentrés sur le terrain alors que le pire était déjà advenu, sans préjuger naturellement d’un autre scénario, tant l’écart de niveau face aux Tuilagi, Farrell, May et autre Vunipola (ce dernier si bon qu’on aurait juré qu’ils étaient deux sur la pelouse) a paru abyssal comme rarement.

«Y a rien à dire» ont été les premiers mots du sélectionneur, au terme de l'interminable noyade. Sérieusement ? Dans quinze jours, il faudra battre l'Ecosse au Stade de France pour sauver des apparences qui, aujourd'hui, ne trompent plus personne. D'ici là, les joueurs tricolores ont cinq jours de quartier libre. Pour retrouver leur famille. Et leurs esprits.