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Libération
Analyse

Fair-play financier : le Paris-SG, «victime collatérale» ?

Affaibli sportivement par la mesure de l’UEFA, le club parisien attend le verdict du Tribunal arbitral du sport dans le différend qui l’oppose à l’instance européenne.
Nasser Al-Khelaïfi, président du PSG, lors de la cérémonie de remise du titre de champion de France, en 2015. (Photo J.Brinon. AP)
publié le 11 février 2019 à 19h46

Parmi toutes les contraintes ou situations enfermant le Paris-SG dans un carcan dont il a bien du mal à sortir, il en est une plus pesante que les autres : le fair-play financier, une règle progressivement mise en place depuis 2010 par l’Union européenne de football (UEFA) commandant aux clubs d’équilibrer, dans une certaine mesure, leurs dépenses et leurs recettes, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à l’interdiction de disputer les compétitions européennes - tant qu’un club ne se qualifie pas pour la Ligue Europa ou la Ligue des champions, il échappe aux radars de l’instance. Qatar Sports Investments, qui possède le club parisien, a trouvé la parade : abonder les comptes avec des sponsors qataris, comme l’office de tourisme de l’émirat, sa compagnie de télécommunications Ooredoo, ou encore la Qatar National Bank.

«Départ». Sauf que le fair-play financier limite les financements des «parties liées». Dans les faits, l'UEFA s'est donc emparée des contrats émanant du Qatar pour opérer des décotes, la pression de l'instance s'étant intensifiée après un été 2017 qui aura vu l'arrivée de Neymar et Mbappé pour quelque 400 millions d'euros ; les salaires chargés des deux joueurs pesant en outre environ 50 millions par an. En juillet, les dirigeants parisiens ont eu une heureuse surprise : la chambre d'instruction de l'instance suisse validait leurs comptes sans modifier les montants «pour ne pas nuire à la Ligue des champions 2018-2019», un argument qui veut tout et rien dire. En septembre, badaboum : la chambre de jugement de l'UEFA refusait d'avaliser ces conclusions et renvoyait le dossier pour «examen approfondi» devant… la chambre d'instruction.

Furieux, le club a attaqué cette décision devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) : «On est dans l'incertitude, avait justifié le directeur général délégué, Jean-Claude Blanc. Alors que nous avons 700 salariés, beaucoup d'équipes [dans les catégories jeunes] sur tous les terrains. Nous avons besoin de visibilité, comme toutes les entreprises.» En attendant que le verdict du TAS tombe, l'UEFA a gelé ses investigations : on en est là. Reste à pénétrer l'esprit des lois. «L'idée de départ du fair-play financier est double, décrypte un ex-membre de l'instance. Faire en sorte que les joueurs soient payés par les clubs [ce qui est assez aléatoire dans certains pays de l'Est ou d'Europe orientale, ndlr] en luttant contre leur déficit et, de manière plus souterraine, essayer de tracer l'argent en regardant les comptes. Le PSG est une sorte de victime collatérale : aucun des deux points ne pose souci, il est clair que les joueurs seront toujours payés rubis sur l'ongle et l'argent vient des fonds souverains, il est l'un des plus "cleans" que l'on puisse trouver dans le foot.»

Logique. En attendant, Neymar et Mbappé cachent une réalité : l'appauvrissement du reste de l'effectif et notamment du banc de touche, où l'on trouvaitjadis des internationaux argentin (Pastore), brésilien (Moura) ou français (Jallet, Sakho). La décote des contrats liés à l'Etat qatari pose aussi une question de fond. Le pays du Golfe n'en fait pas mystère : ses investissements dans le foot - il organisera aussi la Coupe du monde 2022 - constituent une sorte de soft power, sensibilisant l'opinion internationale à son existence et lui permettant de construire et cultiver des réseaux. Ils permettent donc, dans une certaine mesure, de garantir l'intégrité territoriale du Qatar : comment mettre un chiffre en face d'une logique pareille ? On en revient au prix du foot : tout dépend de la logique de l'acheteur, c'est-à-dire qu'il n'existe pas indépendamment des intentions et du contexte. Si le TAS rejette la saisine du Paris-SG, la chambre d'investigation de l'UEFA reprendra son bâton de pèlerin et ses évaluations. On note qu'une phase de négociation est prévue dans la procédure même de l'application du fair-play financier. Une belle issue possible : c'est la porte ouverte à toutes les fenêtres, comme dirait l'autre.