Menu
Libération
Volée

En Irlande, le XV de France reprend son chemin de croix

Les Irlandais ont infligé dimanche à la France une nouvelle défaite cuisante (26-14) lors du Tournoi des six nations.
Keith Earls en route pour le quatrième essai irlandais face à la France, dimanche à Dublin. (Photo Damien Meyer. AFP)
publié le 10 mars 2019 à 19h51

En perdant à domicile face à l’Angleterre, dès la première journée du Tournoi des six nations, l’Irlande savait d’ores et déjà qu’elle avait raté une compétition dont elle faisait pourtant figure de grande favorite. Et ce ne sont pas les victoires étriquées face à l’Ecosse, puis l’Italie, qui, par-delà le simple bilan comptable, allaient suffire à consoler les hommes de Joe Schmidt, qui s’étaient sans doute vus un peu trop vite sur le toit du monde après leur triomphe automnal face aux All Blacks. Dimanche, le XV du Trèfle a néanmoins reverdi et, manque de bol, ce sont des Bleus, invariablement pâles, qui en ont fait les frais. 26-14.

Un score qui ne dit en réalité absolument rien de l’écart séparant les deux équipes, la France parvenant à masquer sa médiocrité dans les cinq dernières minutes en inscrivant deux essais, au terme d’une rencontre outrageusement dominée par l’Irlande, d’emblée tellement sûre de sa supériorité que, par trois fois, en première mi-temps, elle renonçait à prendre des points (a priori faciles) au pied, préférant jouer des pénaltouches visant à chercher l’essai plutôt que les trois points. A ce petit jeu, d’emblée humiliant puisque synonyme d’un sentiment de supériorité jamais démenti sur le terrain, la troisième fois sera d’ailleurs la bonne. Privés de ballon comme jamais, la France a passé cinq secondes (d’autres décomptes parlent de deux secondes, ou trois) dans les 22 mètres adverses en première mi-temps.

Calvaire dominical

Une fois le quatrième essai inscrit, en milieu de deuxième mi-temps, l'Irlande n'a plus eu qu'à faire tourner son effectif, en vue d'un ultime match décisif, samedi prochain à Cardiff, où le Pays de Galles tentera non seulement de remporter son 38e Tournoi, mais aussi, prolongeant une série triomphale de treize victoires consécutives, de décrocher le douzième Grand Chelem de son histoire.

Loin, très loin de ce genre de considération, la France poursuit son chemin de croix, un mois après avoir été ridiculisée à Twickenham et, en ce sens, les deux essais du dénouement dublinois ne sont pas le meilleur service rendu à un groupe qui continue, envers et contre toutes les évidences, à se mentir à lui-même. A l'instar de Mathieu Bastareaud, souvent parmi les plus lucides de la bande pourtant (et, par conséquent, les plus sévères), qui, dès la fin du calvaire dominical, analysait sans ciller : «Si on retient les vingt dernières minutes, on voit qu'on est pas loin.» Ou de Damian Penaud, coupable d'un en-avant sur un essai refusé en début de rencontre, expliquant : «Peut-être que si on marque, l'issue du match n'est pas la même.» Alors que…

Mousse à raser

Car la réalité diffère sensiblement, tant le groupe de Jacques Brunel est devenu depuis des lustres tristement prévisible, à savoir incapable d'enchaîner deux bonnes performances de suite, pour autant bien sûr qu'on se satisfasse d'une victoire compliquée, quinze jours auparavant, devant une équipe d'Ecosse privée d'une vingtaine de joueurs.

Au registre des satisfactions, si rares désormais, il faut noter que le tournoi 2019, qui s’achèvera samedi par un ultime traquenard à Rome, où l’Italie se démènera pour inscrire le premier point d’une compétition où elle ne fait plus que de la figuration, aura permis à plusieurs jeunes de profiter du contexte, objectivement sinistré, pour saisir leur chance. Purs néophytes, ou étoiles montantes, ce sont donc les Thomas Ramos, Demba Bamba, Félix Lambey ou Romain Ntamack, mais aussi Antoine Dupont et Arthur Iturria, voire Dorian Aldegheri et Grégory Alldritt qui, du haut de leurs vingt ans et des poussières portent les espoirs d’une nation meurtrie à moins de six mois de la Coupe du monde au Japon. Nulle tête de gondole à proprement parler dans cette escouade (c’est-à-dire personne pour vendre de la mousse à raser dans les spots publicitaires diffusés à la mi-temps des matches), mais des gamins culottés qui, pour certains, portés par l’excellente saison du Stade toulousain, veulent y croire. Quand bien même tous ou presque (sauvons Lambey, une nouvelle fois à la hauteur) ont montré leurs limites à Dublin, apportant une nouvelle fois la preuve que le fossé avec les meilleures nations mondiales, voire juste européennes, semble bien impossible à combler d’ici le décollage pour l’Asie.